Ce jour-là, Serge s’est installé derrière son ordinateur pour un entretien. Il a lancé l’enregistrement, a déroulé son discours d’introduction et posé les premières questions. Devant lui, face à l’interprète, Mamadou a livré ses premières réponses. Et le brouillard s’est posé sur la petite pièce. Après avoir fui son pays et traversé la moitié du globe, Mamadou a embarqué sur un bateau il y a trois ans. Ou bien était-ce il y a cinq ? Mamadou n’est pas sûr. D’ailleurs, il n’a pas l’air de bien comprendre les questions que lui pose Serge, parfois trois ou quatre fois de suite. Quand il répond, c’est souvent à côté de la plaque. Sa vie d’adulte n’a été qu’une succession de traumatismes. Alors Mamadou ne se rappelle plus trop les détails. Son récit est décousu, sans chronologie. Serge doute. Pour lui, c’est le pire des scénarios.
Serge est officier de protection (OP), après avoir été bénévole dans des associations d’aide aux migrants pendant des années. Son métier consiste à entendre les demandeurs d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Cet établissement public est né en 1952 dans le sillage de la Convention de Genève qui définit les droits des réfugiés. S’il est placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, son indépendance est inscrite noir sur blanc dans la loi depuis 2015.