C’est elle qui a choisi le pseudonyme de « Mahsa », en hommage évident à Mahsa Jina Amini, jeune étudiante morte le 16 septembre dernier, trois jours après avoir été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés », marquant le début d’une révolte inédite en Iran. « Mahsa », donc, nous écrit de Téhéran pour témoigner de ce qu’elle appelle une « révolution ». Chacun de ses messages aux « Jours » se termine par ces mêmes mots, devenus emblématiques du mouvement : #femmevieliberté. Le premier date d’il y a quelques jours.
«J’habite à Téhéran, dans un quartier populaire. Je suis artiste peintre, j’expose beaucoup en Iran et en Europe. Je suis née un peu avant la révolution islamique de 1978-1979. J’en garde quelques vagues souvenirs : mon père, qui était professeur, était contre le Shah. Après, c’était la guerre contre l’Irak, elle a duré huit ans. Bref, j’ai vécu toutes les tragédies que quelqu’un peut vivre en une vie !
Ici, on dit que la révolution est un marathon et que la résistance garantit la victoire. Chaque matin, je me connecte à internet avec un VPN [Virtual Private Network, qui permet de masquer l’adresse IP de son ordinateur, ndlr] si ce n’est pas totalement coupé
Les jeunes qui se révoltent ne se voient aucun avenir. Ils sont suicidaires dans leur combat contre le régime, mais ils n’ont pas peur de mourir.
Je suis revenue en Iran en octobre pour vivre la révolution que j’ai attendue toute ma vie. Quand tout a commencé, avec la mort de la jeune Mahsa Jina Amini, j’étais en France pour rendre visite à ma famille que je n’avais pas vue en deux ans de pandémie. À Paris, j’ai fait toutes les manifs de soutien à la révolution. Après, on s’asseyait pour boire un verre en discutant de l’avenir de notre pays avant de prendre le métro pour rentrer. Mais en Iran, on rêve d’une manifestation qui ne soit pas sanglante… Ici, quand vous sortez pour manifester, il y a toujours la possibilité d’être arrêté, enlevé, fait prisonnier par les bassidjis (qui ne sont pas des policiers officiels), torturé ou tué, comme l’ont déjà été Hadis, Nika, Armita… Si vous êtes une femme, le risque est de 100 %. Les jeunes qui se révoltent et qu’on voit dans les avenues sont une génération privée de tous ses droits à vivre.