C’est elle qui a choisi le pseudonyme de « Mahsa », en hommage évident à Mahsa Jina Amini, jeune étudiante morte le 16 septembre dernier, trois jours après avoir été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés », marquant le début d’une révolte inédite en Iran. « Mahsa », donc, nous écrit de Téhéran pour témoigner de ce qu’elle appelle une « révolution ». Chacun de ses messages aux « Jours » se termine par ces mêmes mots, devenus emblématiques du mouvement : #femmevieliberté. Voici le deuxième.
«Cette année, ce sera la première Yalda sans Yalda. Yalda, c’est une fête qui date de l’ancien Iran et qui célèbre le solstice du 21 décembre, la plus longue nuit de l’année. La coutume, c’est de rester éveillé et de lire des textes anciens. On a conservé des traditions de ce genre en quarante-quatre ans de terreur islamique et Khomeini n’a pas réussi à les effacer. Cette année, on sera tous dans les rues, dans les avenues, dans toutes les artères de Téhéran. Yalda, c’est aussi un prénom féminin souvent choisi pour les filles nées cette nuit-là ; c’est celui de Yalda Aghafazli, une jeune manifestante de 19 ans qui a été arrêtée et torturée, et qui s’est suicidée après sa libération début novembre.
Ici, on s’est préparés pour trois jours de grève générale et de manifestations, du 19 au 21 décembre. Les gens retirent leur argent des banques en espèces, c’est une sorte d’attaque économique du régime. Déjà, les banques n’ont plus assez de cash et refusent d’en donner à leurs clients.

Être ou ne pas être ? Vivre ou mourir ? Ce n’est pas une question philosophique, ce sont nos vies aujourd’hui. Ces derniers jours en Iran, on ne voit que des arrestations, des morts et des exécutions… On sort dans les rues et on respire l’air du combat mêlé au gaz lacrymogène. On crie “Mort à Khamenei” et “À bas la République islamique” et eux, ils ouvrent le feu. En retour, on leur jette des pierres et on se cache. Si on a de la chance, on arrive à rentrer chez nous. Sinon, ce sont les ténèbres de la prison en attendant la mort. Ce n’est pas un film d’Hollywood mais la vraie vie en Iran.
C’était une marche silencieuse, une tactique des révolutionnaires : on commence par se regrouper sans bruit pour ne pas être arrêtés, puis tout change dès qu’on commence à crier des slogans.
Le 10 décembre, j’ai participé à une manifestation en hommage à Mohsen Shekari (lire l’épisode 1, « “Je me bats, je meurs, je libère l’Iran” »), qui a été exécuté par le régime [ce jeune homme de 23 ans a été pendu le 8 décembre, accusé d’avoir blessé un milicien, ndlr]. La manifestation se déroulait dans le quartier où Mohsen habitait, mais il y avait beaucoup de monde de tout Téhéran.