C’est elle qui a choisi le pseudonyme de « Mahsa », en hommage évident à Mahsa Jina Amini, jeune étudiante morte le 16 septembre dernier, trois jours après avoir été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés », marquant le début d’une révolte inédite en Iran. « Mahsa », donc, nous écrit de Téhéran pour témoigner de ce qu’elle appelle une « révolution ». Chacun de ses messages aux « Jours » se termine par ces mêmes mots, devenus emblématiques du mouvement : #femmevieliberté. Voici le troisième.
«Le régime vient d’annoncer que la police enverrait désormais des SMS aux femmes qui ne portent pas le hijab au volant [en Iran, l’immatriculation est associée à un numéro de téléphone, ndlr] mais je n’ai encore rien reçu. Ces derniers jours, on entend qu’il y aura des arrestations et des procès expéditifs, voire des procès en ligne, avec des peines de dix ans de prison, des interdictions de sortie du pays, des coups de fouet pour celles qui enlèvent le hijab, mais les femmes continuent de ne pas le porter. C’est tout le visage de la ville qui a changé.
Moi, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai eu aucun problème. Quand ils ont annoncé que les banques n’accepteraient plus les femmes non voilées, j’y suis allée sans hijab. Et le personnel était très sympa et montrait son soutien ; j’ai pu faire mes opérations sans souci. Les mollahs ont beau menacer les femmes qui ne portent pas le hijab de les priver de leurs droits, de fermer leurs comptes bancaires, elles continuent à sortir sans voile, comme moi depuis deux mois maintenant. Je viens d’aller me faire vacciner contre le Covid dans un centre médical non voilée et aucun problème non plus. Pareil chez les commerçants. Le choix de porter ou pas le hijab est déjà accepté par le peuple. Je suis aussi allée à une manifestation sans, et même sans le prendre avec moi au cas où. Je suis passée devant des gardes, sans voile, comme beaucoup d’autres. On a eu de la chance, ils ne nous ont pas attaquées. Il y a des signes de reconnaissance dans la rue, des phrases qu’on s’échange pour se donner du courage et de l’espoir, des hommes qui montrent leur soutien d’un regard ou même des femmes en tchador noir qui nous sourient. Bien sûr, il y a des personnes liées au régime qui nous balancent des regards mauvais ou agressifs, mais peu importe tant qu’on ne nous arrête pas… De nombreuses artistes sont venues soutenir l’actrice Taraneh Alidousti quand elle était en prison