Belfast and furious

« Activiste loyaliste, c’est tout ce que vous avez besoin de savoir sur moi ! » Né à Donegall Pass, un quartier ouvrier en bordure du centre-ville de Belfast, il y a de cela trente ans, Darzo Leighton vit toujours dans la même rue, avec sa compagne Jade et leurs cinq enfants – Charlie, Tommy, Isla, Lewis and Levi. Il s’est engagé dans l’armée pendant deux ans, et a voté pour le Brexit en 2016 afin que « le Royaume-Uni quitte l’Union européenne comme une seule nation ». Fan des Rangers de Glasgow, le club écossais voisin soutenu par les protestants, il prend le ferry pour assister à chaque match disputé à domicile. Darzo fait partie de la même fanfare que son grand-père, son père et ses fils – et tous portent l’uniforme bleu, violet et or pour défiler. Incollable sur la Première Guerre mondiale, il a visité plusieurs fois le site de la bataille de la Somme, et entend bien y retourner dès que possible. Il a commencé des études en politique auprès de l’Open University et tente d’éduquer les jeunes aux principes du loyalisme – c’est d’ailleurs le titre de son livre de chevet.

Retrouvez tous les épisodes avec Darzo Leighton.

À 26 ans, Dean a déjà une décennie de travail communautaire derrière lui, d’abord en tant que moniteur dans la maison des jeunes de Tiger’s Bay, puis sur la scène politique. Il représente le DUP (Democratic Unionist Party) dans la circonscription de Castle, au Nord de Belfast, et il lui est impossible de faire plus de cinq pas sans être arrêté par les résidents qui doivent urgemment lui parler d’un problème ou d’un autre. Déterminé à faire changer le visage de l’unionisme et à le moderniser, il participe à Let’s Talk Loyalism, une initiative pour améliorer la représentation médiatique du mouvement. Son père et son grand-père travaillaient pour les chantiers navals où a été construit le Titanic, non loin du quartier où il a grandi. Protestant et pratiquant, il se rend à l’église trois fois par semaine. Il vit désormais près d’Alexandra Park, seul parc d’Europe divisé en deux par un mur, « nécessaire » pour séparer les communautés « et se sentir en sécurité », dit-il.

Retrouvez tous les épisodes avec Dean McCullough.

Robert a tout vu, tout fait, et ne rechigne jamais à raconter. « Parler de notre histoire, c’est encore un moyen de se battre !  », assure-t-il. Il n’avait pas 15 ans lorsqu’il se retrouve à tenir une arme pour la première fois, et passe ses jeunes années dans les geôles de la prison Long Kesh. Aux côtés de Bobby Sands et des autres détenus, il participe à la grève des habits et de l’hygiène – « pas de douche pendant quatre ans ! ». La mort de plusieurs de ses compagnons après une ultime grève de la faim entame sa foi. Inarrêtable, il s’occupe des résidents de Falls Road et emmène des groupes de touristes à la découverte de son quartier. Au niveau des portes de séparation, il passe la main à un guide loyaliste – le fils de l’homme qui a tué son grand-père pendant les « Troubles ».
Il y a des années, il s’est retrouvé près d’une explosion qui lui endommage l’ouïe. « Un jour, je n’entendrai plus rien du tout, mais pour l’instant, c’est bien pratique quand il faut aller au club de jeunesse s’occuper de 70 enfants qui courent partout ! »

Retrouvez tous les épisodes avec Robert McCallaghan.

Son vrai nom est McCallum, mais comme beaucoup de nationalistes, elle préfère utiliser la graphie irlandaise. « Disons que je suis consciente de ma culture… » À 22 ans, Hannah combine son activité de vidéaste freelance à un boulot alimentaire en restauration. Forcée à prendre des cours de danse traditionnelle pendant son enfance, elle finit par y prendre goût et apprend même à jouer du tin whistle (littéralement « sifflet en fer »), petite flûte emblématique de l’Irlande.
Avec ses cheveux successivement roses, rasés, et courts, ses tatouages et piercings, on s’attendrait à la croiser dans un quartier branché de Londres plutôt qu’en banlieue de Belfast. Fidèle à l’éducation de ses parents syndicalistes, elle a été de toutes les manifestations : l’avortement, le mariage homosexuel et Black Lives Matter. Pour elle, l’Irlande du Nord est « en retard, très en retard » sur les questions sociales, et le fait d’appartenir à la classe ouvrière devrait transcender le sectarisme qui perdure.

Retrouvez tous les épisodes avec Hannah Nic Colaim.

Le parti républicain Sinn Féin a deux leaders : Mary Lou McDonald en République d’Irlande et Michelle O’Neill en Irlande du Nord. Cette dernière est devenue la numéro deux du gouvernement local en 2020 au terme d’une carrière éclair. Elle rejoint le mouvement républicain en 1998, l’année de la signature de l’accord de paix. Elle a alors 21 ans. Rapidement élue maire de Dungannon, elle est successivement ministre de l’Agriculture puis ministre de la Santé – un des portefeuilles les plus prestigieux et complexe dans la province, où le système public est au bord de la faillite. En 2017, lorsque Martin McGuinness démissionne du gouvernement de coalition, il lui demande de prendre la tête du parti. Son parcours lui offre deux atouts : elle est jeune, avec un passé assez calme pour lui éviter d’être accusée d’avoir commis des actes terroristes par ses adversaires politiques. En même temps, elle vient d’une famille républicaine suffisamment importante pour asseoir sa légitimité auprès des électeurs et au sein du parti. Son père est en effet un ancien prisonnier de guerre, et deux de ses cousins engagés dans l’Armée républicaine irlandaise (IRA) ont été tués pendant le conflit. Si elle affirme que son « travail » est « de guérir les blessures du passé », elle milite d’abord pour la réunification de l’Irlande, « seule solution au chaos du Brexit » selon elle. « La question n’est plus de savoir si, mais quand se tiendra le référendum sur la réunification », assure-t-elle. À la suite des élections de mai 2022, elle devrait devenir la prochaine Première ministre d’Irlande du Nord.

Retrouvez tous les épisodes avec Michelle O’Neill.

Membre du Parlement de Westminster, Jeffrey Donaldson est le plus ancien élu nord-irlandais encore en fonction à Londres. Son engagement politique a commencé tôt. Il a 7 ans quand un de ses cousins est tué dans un attentat de l’IRA. Adolescent, il s’engage dans l’armée et auprès du Parti unioniste d’Ulster (UUP) pour militer contre l’armée républicaine irlandaise et sa campagne violente pour la réunification de l’Irlande. Il est élu à l’Assemblée locale dès 1985 mais quand vient l’heure de négocier l’accord de paix, il est dans le camp de l’opposition. Pour lui, pas question de réformer la police, comme le prévoit le texte, et il exige des preuves du désarmement de l’IRA. Mais sa voix n’est pas écoutée et il finit par claquer la porte du UUP en 2003 pour rejoindre le DUP, un autre parti unioniste alors en plein essor. Membre de l’Église presbytérienne d’Irlande, il s’est exprimé contre la légalisation du mariage pour tous et contre une éducation sexuelle inclusive dans les écoles. Très impliqué dans les négociations du Brexit, Jeffrey Donaldson a fait campagne pour la sortie de l’UE, mais demande la révocation du protocole sur l’Irlande du Nord qui installe des contrôles sanitaires dans les ports de la province. À la tête du DUP depuis le 30 juin 2021, il occupe une place compliquée : il doit rassembler les électeurs qui s’éparpillent vers l’ultradroite et vers le centre tout en trouvant une solution à l’application du protocole sur l’Irlande du Nord. 

Retrouvez tous les épisodes avec Sir Jeffrey Donaldson.