«Allez ! À l’école ! », s’amuse Souhayr Jaamour, en français. Son rappel à l’ordre n’est pas destiné à ses enfants : Aram, Eslam, Wissam et Tammam sont déjà dans leurs classes respectives, de la maternelle au lycée, en passant par le collège. Elle s’adresse à son mari, Mahmoud, qui s’affaire dans la cuisine. Il est un peu plus de 10 heures, il est temps de quitter l’appartement qu’occupe cette famille de réfugiés syriens à Saint-Nazaire. Direction : le cours de français.
Lorsqu’ils ont fui la Syrie, en février 2016, les Jaamour ne possédaient que de maigres bribes de français. Ces restes de l’école, ils les ont rafraîchis au fil d’un séjour en Grèce qui s’éternisait et lors de la journée d’orientation culturelle organisée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) à l’attention des migrants rejoignant la France (lire l’épisode 14 de L’exil des Jaamour). Ces acquis leur ont immédiatement permis de déchiffrer des mots, de décliner certaines formules, allant de la politesse à la vie courante. « Comment ça va ? », « Je m’appelle Mahmoud Jaamour », « J’ai 47 ans » et « Je suis coiffeuse » sont quelques-unes des expressions qu’ils maîtrisaient avant d’atterrir sur le tarmac de Nantes, le 20 septembre dernier, à l’issue de la procédure de « relocalisation ».

Désormais, la nouvelle vie des Jaamour dans la cité portuaire de Loire-Atlantique est rythmée par l’apprentissage du français, et ce à raison de deux fois par semaine. Dans les locaux du Secours catholique, la prof, Sabine Enjelibert, est une bénévole pleine d’entrain. Il est un peu plus de 10 h 30. La classe commence. « Nous avons fait un cours très orienté sur la grammaire et la conjugaison la fois précédente. Nous allons réutiliser les notions mais en apprenant les couleurs », explique-t-elle en introduction, s’appliquant à prononcer distinctement chaque syllabe. Au tableau, elle inscrit les noms des couleurs, désigne le rouge, le bleu et le vert sur des objets ou des dessins. Mahmoud et Souhayr sont attentifs, ostensiblement heureux d’être là.
« Ce sont de bons élèves, souligne la secrétaire trilingue. Je donne des cours à d’autres réfugiés. Certains ne maîtrisent pas l’alphabet. Comme les Jaamour ont de bonnes bases, nous sommes déjà passés à l’étape supérieure. » Certes, à l’oral, leurs « b » ont parfois des airs de « p » ; certes, il est dur pour eux de distinguer un « s » d’un « ç ». Mais malgré tout, les progrès sont perceptibles. La bénévole ajoute :