Henri Loua en parle désormais au passé, mais il y a eu une période de flottement avec les Jaamour, dont il est le référent social durant la procédure de demande d’asile. En novembre, à plusieurs reprises, l’attitude de certains bénévoles a parasité le travail d’accompagnement des six Syriens, relocalisés le 20 septembre dernier à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Au risque de créer des tensions dans le suivi de la famille, voire de compliquer l’attribution de leur statut de réfugiés.
Quand ils sont arrivés en France, Mahmoud et Souhayr, les parents, ainsi que quatre de leurs enfants, Tammam, Wissam, Eslam et Aram, ont été pris en charge par l’association Les Eaux vives, où travaille Henri Loua. Et c’est lui qui, dans ce cadre, est aux manettes pour accompagner les Jaamour dans toutes leurs démarches : enregistrement au guichet unique à la préfecture, dépôt de la demande d’asile et suivi de la procédure, inscription des enfants à l’école primaire, au collège et au lycée, mise en contact avec les différentes associations qui fournissent des cours de français, des aides alimentaires, du matériel… Mais autour de la famille Jaamour, comme de l’ensemble des demandeurs d’asile arrivés à Saint-Nazaire, gravite également toute une galaxie de bénévoles. Une partie d’entre eux sont membres d’associations établies et reconnues : le Secours populaire, les Restos du cœur ou le Secours catholique, comme Sabine Enjelibert. D’autres se sont mobilisés quand le gouvernement a annoncé la relocalisation en France de 30 000 réfugiés ou après la publication de la photo d’Alan Kurdi. Le cliché de cet enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque, devenu le symbole du drame des réfugiés, a suscité une onde de choc à laquelle a succédé une volonté d’action et d’engagement.

Dans différentes villes de France, des collectifs se sont constitués. À Saint-Nazaire, ce regroupement de citoyens s’appelle Icar (Initiative citoyenne pour l’accueil des réfugiés). Il dispose d’une « charte du bénévole », qui explicite le mode de fonctionnement, les droits et les devoirs des bénévoles. Une fois par semaine, ils distribuent à domicile de la nourriture et dispensent également des conseils. Au fil des semaines, des relations se nouent, d’amitié parfois, de reconnaissance toujours. « Ils nous aident beaucoup : ils nous apportent régulièrement de la nourriture, ils nous aident dans certains achats », explique Mahmoud. « Je me sens à l’aise avec eux ; je leur fais confiance », confie Souhayr.
Mais si la cité portuaire a une forte tradition migratoire et cultive son sens de l’accueil, les limites fixées par la charte sont parfois transgressées.