Il en va parfois ainsi des histoires de télé. Ça commence sous les paillettes et le feu des projecteurs d’un studio de toutes les couleurs et ça finit un matin de juin dans le gris du tribunal des prud’hommes de Boulogne. La scène est étrange, un peu surréaliste. Maïtena Biraben sort de la salle où vient de se tenir l’audience, elle murmure : « C’est dur quand même. » Elle est hors d’elle : « Il ment comme un arracheur de dents. » « Il », pour une fois, ce n’est pas Vincent Bolloré, l’homme dont on n’ose pas dire le nom à Canal+ ; « il », c’est l’avocat du groupe, Éric Manca, qui a plaidé ce lundi matin. Mais pas de doute que quand Maïtena Biraben dit « il », elle pense aussi à Vincent Bolloré. Ses yeux se mouillent, sa voix se casse : « C’est ta vie pendant treize ans, c’est tes collègues, ça a été un privilège, une joie, une fierté pour ceux qui travaillaient à Canal ; aujourd’hui, pour ceux qui y sont, ce n’est pas forcément le cas… » Elle tempête de nouveau : « Me Manca a décidé que j’étais hystérique et incontrôlable, c’est terrible de n’avoir que le mensonge comme réponse. » À côté, son avocate, Claire Fougea, tente de la rasséréner : « Come on ! »
Maïtena Biraben fut, quelques mois durant, une saison max, la chose de Vincent Bolloré. C’était l’été 2015, il y avait un je ne sais quoi dans l’air, Vincent Bolloré lui promettait la lune et le fauteuil du Grand Journal jusqu’au 17 février 2022, ce jour où lui-même partira en retraite, 200 ans après la naissance de son groupe. Un an après, Maïtena Biraben était virée. Pour « faute grave » même, comme le révélaient Les Jours en juillet 2016.

Maïtena Biraben, c’était un symbole, celui de la conquête de Canal+ par Vincent Bolloré. En juin 2015, l’homme d’affaires démarre son raid et ce raid passe par des têtes. Des têtes coupées, schlack : Rodolphe Belmer, le numéro 2 du groupe Canal+, Antoine de Caunes, coupable de ne rassembler qu’à peine plus d’un million de téléspectateurs devant Le Grand Journal, la vitrine en clair de la chaîne. Et des têtes posées comme des trophées marquant le règne de Bolloré. La première, c’est celle de Maïtena Biraben. Bolloré la veut. Absolument. D’abord parce que maintenant qu’il a viré tout le monde, les candidats qui tiennent la route ne sont pas pléthore. On est en juillet, bien tard pour relancer un nouveau Grand Journal. L’animatrice avait déjà été pressentie pour animer l’émission en 2013, Antoine de Caunes lui avait été préféré.