On a compté les Juifs. Ça nous a frappé comme une gifle en sortant mercredi soir à 21 heures et quelques du tribunal de Paris où venait de s’achever le procès d’Éric Zemmour : pendant les six heures d’audience, on a compté les Juifs. Il n’a, en revanche, pas été utile de dénombrer les membres de la direction de CNews, de Canal+ ou de représentants de l’actionnaire Vincent Bolloré présents pour voir juger leur créature, leur tête de gondole : zéro, aucun n’était là. De la même façon, c’est à peine si a été évoqué le rôle de la chaîne d’information qui a décidé qu’il était bon de faire de l’audience avec Éric Zemmour. Celui qui, ce jour-là, nous a amenés à compter les Juifs.
Le 21 octobre 2019, l’émission Face à l’info n’avait qu’une semaine et, dans le combat de coquelets organisé chaque soir, Éric Zemmour est opposé à Bernard-Henri Lévy. Forcément, les deux s’empoignent, se jettent des mots à la gueule. Jusqu’à ceux-là : « Vous avez osé dire, lance BHL, que Pétain a sauvé les Juifs… » « …français ! », complète aussitôt Zemmour. Ajoutant, l’air faussement contrit et vraiment péremptoire : « C’est encore une fois le réel, je suis désolé. » L’extrait est diffusé dans la salle d’audience, et quelques autres de l’émission aussi, histoire de capter le contexte d’empoignade. Sur son banc, au deuxième rang derrière son avocat Olivier Pardo, Éric Zemmour est plongé dans son portable mais son visage revit la scène avec BHL, il lève les yeux au ciel, il hausse les sourcils, il fait non de la tête. Ce sont ces mots, ceux de BHL poursuivis par Zemmour, qui l’entraînent à la barre, jugé pour contestation de crime contre l’humanité : « Pétain a sauvé les Juifs français. »
90 % des Juifs français ont été sauvés par la volonté de l’État.
L’avocat d’Éric Zemmour veut balayer le délit et pose les questions à son client. « Est-ce que vous contestez la déportation des Juifs de France ? » « Non. » « Est-ce que vous contestez l’existence des camps de concentration ? » « Non. » « Est-ce que vous contestez que des Juifs aient été gazés ? » « Non. » Pas plus que Zemmour ne conteste le chiffre de six millions de Juifs exterminés, à ceci près qu’il se sent obligé de préciser, instillant un doute : « Je n’ai pas plongé dans cette histoire-là. » Mais cette phrase-là, son échange avec BHL, il ne les conteste pas non plus, parlant tout juste des conditions d’un débat télé où « il faut parfois être abrupt ». Alain Jakubowicz, qui représente l’association J’accuse, l’une des cinq parties civiles contre Zemmour, lui demande de se mettre dans la peau d’un