«C’est un carnage. » Ainsi un journaliste d’i-Télé résumait-il la situation de la chaîne info de Canal+ ce mardi soir. Au sortir du comité d’entreprise (CE) consacré à i-Télé, un élu du personnel renchérissait, la voix nouée par l’amertume : Si le plan annoncé se met en place, avec les suppressions de postes, avec l’arrivée de Jean-Marc Morandini, est-ce que cette chaîne existe encore ?
Au menu de ce comité d’entreprise qui démarre à 15 heures ce mardi, i-Télé, donc. Mais sans son patron, Serge Nedjar. La direction de Canal+, représentée par Jean-Christophe Thiery, l’un des factotums de Vincent Bolloré, confirme le sabrage des CDD et CDDU de la chaîne info. En tout, une cinquantaine de personnes. Une confirmation, parce que lors de son arrivée à i-Télé le 24 mai dernier, le nouveau patron Serge Nedjar avait déjà vendu la mèche. Sauf qu’il avait alors promis que ce serait du cas par cas
. Les cas ont donc tous été les mêmes : direction la sortie. Au pire dès le 30 juin et les mieux lotis partiront à la mi-juillet, histoire de tenir jusqu’à la grille d’été qui doit démarrer le 18 juillet. À i-Télé, la rédaction est catastrophée : il y a des journalistes police-justice ou économie qui partent dans la charrette, des présentateurs aussi.

Mais surtout, il y a un métier entier qui disparaît, celui d’assistant d’édition. Sur les 17 postes que compte i-Télé, c’est bien simple : il n’en reste qu’un. Or les assistants d’édition, comme le décrit un journaliste de la chaîne info, c’est le cœur du réacteur
, ce sont eux qui montent les images et les sons qui passent à l’antenne, parfois à toute berzingue, pour réagir très vite au direct. « Sans eux, une chaîne info ne peut pas marcher, explique un salarié. C’est dire le niveau de méconnaissance et de rien à foutre de la direction. »
Ce mardi soir, dans une ambiance électrique et désabusée
selon un témoin, Serge Nedjar a été sommé de s’expliquer devant la rédaction. Il a fait des claquettes pendant une heure et demie
selon le même témoin. Clac, clac, il y aura des discussions individuelles
avec les virés, a-t-il tenté. Clac, clac, je tiens un discours de vérité
: celui d’une chaîne qui perd de l’argent, 25 à 26 millions d’euros, selon Nedjar. Des pertes d’i-Télé noircies par la direction, qui omet par exemple ce que doit Canal+ à i-Télé pour la fourniture de ses JT. Et qui pour remplacer ces CDD et CDDU cruciaux ? Des reclassements de gens du groupe Vivendi à i-Télé, a hasardé Nedjar. Clac, clac.
C’est précisément l’annonce par Nedjar du sabrage des CDD et CDDU, puis l’intention formulée devant la SDJ de farcir la nouvelle grille à l’économie d’i-Télé de programmes d’annonceurs, c’est-à-dire des pubs maquillées en émissions (lire l’épisode 15, « Canal+ et i-Téle : un jour sang »), pire de les faire réaliser par la rédaction, qui a déclenché une motion de défiance votée le 10 juin dernier.