Une grève sans grévistes. Sur i‑Télé, on se croirait revenu un mois en arrière en plein cœur du conflit qui a vu la chaîne enchaîner redif sur redif trente-et-un jours durant. Sauf qu’il n’y a plus de grève, ni de grévistes et pourtant : selon nos informations, la chaîne d’info en continu de Canal+ va baisser le rideau les 24 et 25 décembre, peut-être même le week-end suivant, celui des 31 décembre et 1er janvier. À la place, des redifs, en boucle. Tout juste un peu de programme frais à l’occasion des vœux de François Hollande, mais ce n’est pas encore sûr. Il a même été question, un temps, que l’antenne ne soit pas du tout renouvelée pendant les vacances de Noël. La faute à l’incroyable hémorragie de journalistes : il n’y a plus assez de salariés pour faire tourner la chaîne un week-end de fêtes. Sur 120 cartes de presse, il reste une trentaine de journalistes, et encore en comptant large. Les salariés candidats au départ ont jusqu’à ce vendredi pour signer ; au dernier pointage, on en dénombrait près de 95 (CDD et pigistes compris) qui ont décidé que Vincent Bolloré, ça suffisait comme ça.
On ne sait pas ce que ses enfants ont prévu d’offrir à Vincent Bolloré pour Noël, mais une collection de scalps serait du meilleur goût. Prévoir de la place, tout de même. Outre la centaine de trophées récoltés à i‑Télé, on peut compter celui de Maïtena Biraben, que Bolloré propulsa en personne au Grand journal, celui de l’artisan du Zapping, Patrick Menais, celui d’Ali Baddou, celui de l’investigation, ceux d’un tiers des hauts cadres du groupe. Scalps auxquels il faut ajouter les 500 000 abonnés perdus en France en un an (sur un total de 5,3 millions), des chiffres dévoilés par la maison-mère de Canal+, Vivendi, en novembre dernier.

C’est dire si Vincent n’a pas été super sage cette année. Il a cassé tous ses jouets et en veut désormais un autre, en Italie. Et pendant ce temps, i‑Télé tente de tourner avec moins d’une trentaine de journalistes mais tente seulement. Pas d’antenne « fraîche » donc, ce week-end. La décision n’a pas été annoncée par mail circulaire, les intéressés l’ont apprise comme ça, au fil des discussions de couloir. Ces derniers jours, un journaliste racontait que le planning qui organise les équipes chargées de faire tourner la chaîne la semaine suivante était vide.
Il y a les vacances, il y a les week-ends sans antenne, chaque jour apporte son lot d’absurdités. “Tiens, si on faisait sans pigistes ?” Ça, c’était la semaine dernière.
Pourtant, et c’est écrit noir sur blanc dans le protocole de sortie de grève, la direction d’i‑Télé s’est engagée à remplacer chaque partant.