Un nouveau décodeur, ça, c’est du boulot. Ce jeudi, Canal+ a lancé son nouveau boîtier, annoncé de longue date, et il est gavé de nouveautés : « 4K-Ultra HD », « 8 tuners », « micro intégré dans la télécommande Bluetooth » et tout le tintouin technologique qui va bien. Canal+ va devoir conseiller ses abonnés, expliquer, préciser, dépanner : une véritable mission commando pour les centres d’appels du groupe. Enfin du moins pour le centre d’appels du groupe Canal+, puisque, au terme d’un plan social, celui de Saint-Denis, en toute proche banlieue parisienne, a tout bonnement fermé. Il y aura donc du boulot pour l’autre CRC – pour « Centre de relations clients » –, celui de Rennes. Ou ce qu’il en reste. Sur les 228 salariés, 160 ont décidé de prendre à leur tour le plan social, plutôt que de rester dans le Canal+ de Vincent Bolloré. 160.
160 qui sont partis « dégoûtés », au terme d’une longue grève – plus d’un mois –, menée à l’automne à base de débrayages quasi quotidiens. La lutte des deux CRC s’est tenue d’abord à Saint-Denis, pour tenter de sauver le site : en vain (lire l’épisode 71, « À Canal+, les salariés se ramassent à l’appel »). Elle s’est poursuivie devant le siège de Canal+, où les salariés rennais et dyonisiens ont donné de la voix et du mégaphone pour obtenir des conditions de reclassement décentes : en vain (lire l’épisode 73, « “On aimait Canal+ avant Bolloré” »). Après la condamnation définitive de Saint-Denis, le combat s’est déplacé à Rennes, où déjà les conseillers nous annonçaient préférer le chômage plutôt qu’un nouveau plan de flexibilisation du travail (lire l’épisode 76, « À Rennes, les salariés raccrochent au nez de Bolloré »). Maintenant que le (maigre) halo médiatique a délaissé le mouvement, Les Jours sont allés aux nouvelles.

On avait laissé les salariés de Rennes sur le parking du centre d’appels aux places siglées du logo historique de la chaîne dont la peinture s’efface comme les traces de ce vieux Canal+. Les Jours n’avaient pas pu entrer dans le bâtiment, alors les conseillers clientèle étaient descendus pour nous parler. Ils nous avaient raconté ce « mépris » qui revenait sans cesse dans leurs mots, celui de la direction refusant de négocier avec eux. Eux qui sont en première ligne, face aux abonnés mécontents, pour défendre Canal+, qui ont besoin de croire au « produit ». À la « marque », comme ils disent, cette marque dont ils ont été fiers. Ils ne le sont plus depuis Bolloré. C’était fin octobre.