On lui a beaucoup chanté Tout le monde déteste la police
, mais ce slogan à la mode glisse sur Julien comme un œuf sur la façade d’une banque : C’est vraiment quelque chose qui ne nous atteint pas, on apprend à l’écarter.
Julien est CRS, il a 35 ans. Depuis le début du mois de mars, sa compagnie a été régulièrement déployée sur des défilés contre la loi El Khomri à Rennes, à Lille, ainsi que sur des Nuit debout parisiennes, où il a souvent eu l’occasion de se voir servir la chansonnette. Mais Julien se dit persuadé que ce n’est pas un avis majoritaire
, préférant se rappeler l’après-Charlie, quand beaucoup de gens venaient nous voir et nous remerciaient d’être là. J’ai la naïveté de croire que les gens sont contents d’avoir une police comme la nôtre
.
Sur la place de la République occupée à Paris comme dans les cortèges syndicaux, les questions sur les CRS sont incessantes. Pourquoi ont-ils vidé la marmite de soupe de Nuit debout ? Comment décident-ils de rester en place, de charger ou de partir en camion ? Qu’est-ce qui leur passe par la tête quand ils reçoivent une bouteille en verre sur le casque ? Au bout de deux mois de mobilisation régulière et parfois mouvementée, nous avons sollicité le témoignage de Julien pour y répondre.
Cette semaine, le policier rate une volée de manifs : contre la loi travail, mais surtout le rassemblement, ce mercredi place de la République à Paris, contre la haine anti-flic
, lancé par le syndicat de police Alliance (à coups d’affiches qui font mal aux yeux) et rejoint par d’autres. En vacances, le CRS basé en région parisienne sera pourtant de tout cœur
avec ses collègues.
Si ce policier accepte de témoigner, c’est qu’il espère faire passer un message. Au grand public, mais aussi à sa hiérarchie policière et politique : physiquement épuisés
, les CRS se disent confrontés ces temps-ci à des situations particulièrement difficiles.

Entré dans la police à 21 ans comme « adjoint de sécurité » (l’équivalent des emplois jeunes dans la police), Julien a passé plusieurs années en police urbaine de nuit, à Paris, avant de rejoindre les CRS il y a quatre ans. Ce corps spécialisé dans le maintien de l’ordre, où exerçait déjà un membre de sa famille, l’attirait pour sa cohésion très forte
et sa manière de vivre en collectivité
: On part en déplacement quinze jours, trois semaines, voire un mois ensemble. On passe la moitié de notre temps avec nos collègues et l’autre moitié avec nos familles.
Une vie quotidienne pas si éloignée de l’armée : le partage des repas, des tâches et parfois des chambres en casernement se transforme, pour Julien, en avantage sur le terrain.