Régis Vieceli tient le piquet depuis deux semaines, fiérot : Je n’ai pas vieilli.
C’est la deuxième fois qu’il occupe la cour de l’incinérateur d’Ivry (Val-de-Marne), après la réforme des retraites en 2010. Autour du secrétaire général de la CGT Nettoiement à la ville de Paris, le décor est monté en gamme. Les barnums et les tables apportés le premier jour sous la pluie (lire l’épisode 23, « La CGT veut être la poubelle pour aller bloquer »), agrémentés de lampions, forment désormais un fameux bivouac. Un camion-bar a été installé pour étancher la soif, un écran pour regarder l’Euro
, même si Régis n’a pas d’affinités particulières avec le foot (il se tourne vers ses voisins pour connaître le prochain adversaire de la France).

La crue de la Seine a failli tout gâcher. Devant ces ordures en vrac qui menaçaient d’être emportées par le courant, la CGT a desserré le blocage en laissant passer les camions-poubelles des non-grévistes. Du reste, la maire de Paris Anne Hidalgo a fait appel au privé pour contourner ses propres éboueurs. Le piquet d’Ivry devrait tout de même continuer jour et nuit jusqu’au vendredi 17 juin, date à laquelle la ministre du Travail Myriam El Khomri doit recevoir le secrétaire de la CGT Philippe Martinez. Nous, on l’appelle Pepito
, rappelle Régis, rapport à ses moustaches de Mexicain.
Ce lundi en début d’après-midi, une centaine de cégétistes – une écrasante majorité de mecs plutôt costauds – ont rejoint l’incinérateur pour une cérémonie bien calibrée. Trois camarades viennent leur remettre un chèque géant de 20 000 euros, façon gros lot Française des jeux : leur part d’une caisse de solidarité en ligne lancée le 23 mai. À ce jour, plus de 350 000 euros destinés aux grévistes de toute la France ont été récoltés. La moitié a déjà été redistribuée, notamment sur les sites symboliques du Havre, de la gare d’Austerlitz et chez Amazon.

Romain Altmann, de la CGT Infocom’ (rendue célèbre par ses affiches contre les violences policières), explique que l’argent est réparti en fonction des besoins
, en privilégiant les sites où les moyens syndicaux sont faibles et les salaires bas. Il est venu accompagné de Mehdi Kemoune, de la CGT Air France, et de Mickaël Wamen, de la CGT Goodyear. Le dernier se fait un peu attendre, ce qui laisse le temps à des grévistes de poser une question cruciale : On dit Ouamène ou Vamin ?
Pour se chauffer, on lance quelques slogans devant les caméras, on partage des bières et on rigole avec ce qu’on trouve.