Échevelée et en sueur après moult cafouillis, l’auteure mettait un point final à son article sur l’interdiction de la manifestation parisienne en vapotant avec volupté quand soudain, une alerte fit vibrer le téléphone : Les syndicats pourront finalement manifester jeudi en suivant un parcours proposé par le ministre de l’Intérieur.
Depuis une semaine, le vent n’arrête pas de tourner, mais la girouette semble enfin stabilisée. Tant mieux, parce que promis-juré, c’est la dernière fois qu’on réécrit ce papier.
Alors que la préfecture de police de Paris confirmait, à 9 heures ce mercredi matin, sa décision d’interdire le rassemblement, une ultime réunion entre Jean-Claude Mailly (FO), Philippe Martinez (CGT) et Bernard Cazeneuve (Intérieur), a débouché sur un accord ce midi. Défilé il y aura, de Bastille à Bastille, autour du bassin de l’Arsenal. 1,6 km en tout, un quart d’heure max au petit trot. Pour l’intersyndicale l’honneur est sauf, puisqu’elle refusait de rester statique – cette manif bougera à peine, mais elle bougera. Quant à l’honneur du gouvernement… Non, rien.

Il faut dire que si elles avaient maintenu l’interdiction, les autorités auraient réussi un triple exploit : se ridiculiser, remobiliser contre elles et s’assurer les heurts qu’elles espéraient éviter. Sous les railleries de Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy qui, dans un même mouvement opportuniste, ont osé rappeler au gouvernement les standards démocratiques les plus élémentaires.
Évacuons toute question de principe le temps d’un paragraphe. Pour la préfecture de police de Paris, depuis la mi-mai, les interdictions de paraître prises avant les manifs nécessitaient beaucoup de paperasse pour un résultat désespérément nul (lire l’épisode 21,« Coup de canif dans le droit à la manif »). Malgré les 130 arrêtés pris en prévision, la manif de mardi dernier a été la plus destructrice depuis le début du mouvement contre la loi travail. Enfermé dans sa logique comme un chat dans la machine à laver, le gouvernement a donc penché pour la pire solution : scandaliser sept centrales syndicales dont il est censé se sentir proche (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL, FIDL) en les privant de cortège. Une décision inédite depuis… Maurice Papon, en 1962 (métro Charonne, neuf morts).
Les seuls précédents récents d’interdictions à Paris concernaient des rassemblements dont l’affluence, le soutien populaire et l’écho médiatique attendus étaient moindres : contre les violences policières le 18 mai (lire l’épisode 22, « Requiem pour une voiture de police »), contre la COP21, pour les migrants en novembre et, avant l’état d’urgence, la manifestation de soutien à Gaza, en juillet 2014.