À Paris, depuis le début de la mobilisation contre la loi El Khomri, le Mili (Mouvement inter-luttes indépendant) est partout : en manif, en AG (lire l’épisode 3, « La rue se prend un coup de jeunes »), dans les conversations aussi. Les plus chouettes de tous les anars parisiens
, selon un libertaire quadragénaire, des casseurs
ou provocateurs
pour ceux qui leur prêtent des méthodes trop expéditives. Si certains défilent à visage découvert derrière leurs banderoles artisanales, beaucoup adoptent volontiers le pack gros pétards-fumigènes-cagoule-lunettes de plongée. Ils marchent vite, donnant aux cortèges une allure imposante, et n’ont pas peur de la police.
L’énergie qu’ils dégagent tend à prouver que la désorganisation est une force. Non pas que le Mili, une quarantaine de lycéens et ex-lycéens de 15 à 23 ans, soit radicalement bordélique. Mais cette bande de jeunes croit dur comme fer à la spontanéité, la souplesse et la libre association par affinités. Dans leur registre, qui va de l’agitation de rue à la préparation de banquets, ils sont diablement efficaces bien que groupusculaires.
Ils fixent les rendez-vous comme ils parlent, vite et sans fioritures, en plein après-midi : Tu viens à P1 [Paris-I, ndlr] ?
me disent-ils. Devant Tolbiac, que des étudiants sont en train de repeindre en rouge, Julien, 20 ans, rameute sur le champ sept ou huit collègues à lui partants pour répondre à mes questions.
Direction la « bibliothèque autogérée de Tolbiac » (BAT), une petite pièce enfumée dans les étages qui sert de local de fortune.