Ce portrait est le fruit du hasard. Dans l’épisode 1 (« À la recherche de la colère ») de L’étincelle, Jean et Marta préparaient des affiches sur une marche de Normale sup’, rue d’Ulm, vendredi 11 mars. Œil curieux et visage fripon, barbe d’ado et sourcil interrogatif, Jean a laissé son numéro au cas où Les Jours auraient besoin d’infos sur les dates des AG ou les départs groupés en manif. Quelques jours plus tard, il acceptait de raconter sa toute jeune expérience du mouvement étudiant, devant un cappuccino débordant de mousse.
Si Jean devait être un symbole (mais il préfèrerait éviter et finit d’ailleurs par refuser d’être pris en photo), il serait celui d’une certaine aristocratie étudiante, a priori préservée du chômage et de la précarité. Les élèves de l’ENS sont recrutés sur concours, rémunérés (1 350 euros par mois) et quasi-assurés d’obtenir un emploi à la sortie dans la recherche ou l’administration. Ce qui n’empêche pas Jean de s’engager contre la loi El Khomri par solidarité
. Je comprends les gens qui sont pour la loi, mais on n’a pas à donner aux patrons ces pouvoirs-là.
Jean étudie les mathématiques, plus exactement les probabilités. Il est en master 2, une année qu’il doit effectuer à la fac de Paris-Sud, en dehors de l’ENS où il habite. Plus tard, il se voit bien chercheur. Ou alors journaliste de guerre
, ou « photographe pour National Geographic », ou créateur d’entreprise si je trouve une idée originale
. Tenaillé par