Envoyé spécial à Korntal-Münchingen, Allemagne
Houmam n’a pas la pêche. Depuis qu’il a appris, le 12 juillet, que sa famille, bloquée en Grèce depuis le mois de mars, était « proposée à la relocalisation » en France (lire l’épisode 9, « “Proposés” à la France »), le deuxième fils des Jaamour, premier à avoir fui la Syrie en novembre 2015 et installé depuis en Allemagne, se pose des questions. Via l’application WhatsApp, il m’interroge régulièrement en allemand : Quand vais-je revoir mes parents ?
, Y a-t-il des bus pour aller en France ?
. Houmam sait que le processus permettant d’obtenir un permis de séjour dans un pays européen est long et qu’entre-temps, il n’a pas le droit de sortir du territoire où il est réfugié. À 18 ans, il commençait à se construire un avenir en Allemagne. La réunification familiale se complexifie.
Certains réfugiés ont des rêves énormes en arrivant ici, mais ils ne sont pas prêts à entendre quelles sont les étapes à franchir pour les réaliser.
Depuis qu’il est arrivé outre-Rhin, l’ancien mauvais élève de Syrie s’est découvert une vocation. Le cadet des Jaamour veut étudier. Médecin ou chirurgien, il aimerait sauver des vies, réparer les gens
. À Korntal-Münchingen, petite ville de 19 000 habitants où il vit désormais, il répète à tous qu’il veut être docteur
. Tous ? Dirk Düring, le pasteur qui a toute la confiance d’Houmam et vole à son secours dès qu’il en a besoin ; Lourdès, qu’Houmam appelle sa tutrice
, une éducatrice employée par la diaconie de la paroisse ; Euvropi (Europe en français), la professeur d’allemand qui vient de Grèce ; Anastasia, une autre Grecque implantée outre-Rhin, qui tient un salon de coiffure et chez qui Houmam effectue un stage. Ou encore ses copains de coloc’… Tous forment son nouvel entourage. Lui qui a fui la dictature et la guerre pour gagner le continent des libertés
– c’est son expression – espère être libre de ses choix. Mais il voit les obstacles se dresser devant lui.
Le gros problème, c’est que certains réfugiés ont des rêves énormes en arrivant ici, mais ils ne sont pas prêts à entendre quelles sont les étapes à franchir pour les réaliser
, précise Dirk Düring. Le deuxième pasteur de la ville recommande au jeune Syrien de mettre en place une stratégie en trois temps : d’abord parfaire la langue, car il ne maîtrise pas assez l’allemand pour suivre des études ; s’assurer ensuite un emploi en Allemagne ; et, enfin, étudier.

Ce lundi 27 juin, quand Houmam arrive en cours, Euvropi affiche un air étonné : Tu es là aujourd’hui ?
Cette prof d’allemand et sa collègue qui, au centre de formation BBQ qui s’occupe des réfugiés, font classe aux débutants, ont noté plusieurs absences de Houmam dernièrement.