«C’est un bon jour ! », s’exclame Mahmoud Jaamour alors qu’il déambule dans les rues d’Athènes. Il est environ 21h30. Ce Syrien, Souhayr son épouse, et quatre de ses cinq fils ont fui leur pays en février ; ils sont bloqués en Grèce depuis qu’ils y ont débarqué le 4 mars. Ce mardi 12 juillet, tous ont appris un peu plus tôt que la procédure de relocalisation prenait un tour nouveau. Dans les bureaux de l’office de l’asile grec, à Katehaki, un quartier de la capitale, ils ont entendu le verdict à 18h05 : Comme vous avez sollicité la relocalisation lors du précédent entretien, vous avez été proposés à la France.
La relocalisation, c’est le procédé pour créer des « voies légales » de migration. Depuis le 20 mars, tous ceux qui cherchent refuge en Europe sont enregistrés en Turquie et sollicitent l’asile depuis la porte de l’Orient ; ceux qui arrivent par la mer en Grèce sont censés être renvoyés en Turquie. Tous les réfugiés arrivés avant le 20 mars en Grèce étaient pris dans un piège : derrière eux, la grande traversée qu’ils venaient d’effectuer, effroyable comme en témoignent les récits de Tammam (lire l’épisode 1, « Les Jaamour, périple d’une famille de migrants »), ou de Houmam ; devant eux, un horizon qui échouait sur les murs dressés entre les pays européens tout en remplaçant leur rêve d’Allemagne.

Très vite, les Jaamour ont compris que leur parcours européen s’arrêtait là où il devait commencer : en Grèce. Dès la signature de l’accord, confirmant de fait que les frontières étaient verrouillées, ils avaient renoncé à recourir à un passeur. Trop risqué, surtout avec quatre enfants, Tammam (19 ans), Wissam (15 ans), Eslam (13 ans) et Aram (4 ans). Ils avaient donc décidé d’entrer dans le processus légal. Étape numéro 1 : enregistrement auprès des autorités d’asile grecques, via Skype. Étape numéro 2 : entretien avec les services d’asile grec et européen. Ce 1er juin, les Jaamour avaient exprimé leur volonté : être relocalisés. Depuis, c’était l’attente.
La première lueur d’espoir intervient le 8 juillet. Un appel du service de l’asile grec les convoque le 12 juillet à 15h30 à Katehaki. Lueur d’espoir accompagnée d’une lente, mais permanente montée de stress : quelle sera la nouvelle ?
L’adrénaline atteint un pic le 12 juillet, à 18 heures. Arrivés à 15h30 sonnantes, les Jaamour sont appelés à 18 heures. Entre-temps, ils ont pu observer les mines tantôt réjouies, tantôt déconfites des réfugiés qui venaient d’entendre la sentence de leur relocalisation.