Mon avion va bientôt atterrir. Il survole à présent la Bosnie, et je pense sans arrêt à l’obsession turque. Il y a deux jours, mercredi soir, j’arrivais à Istanbul. Je venais pour travailler sur le référendum de dimanche (lire l’épisode 11, « En Turquie, la dictature pas à pas »). Je savais, bien sûr, qu’il existait un risque, une probabilité importante que les autorités turques m’interdisent l’entrée, me refoulent. Parce qu’elles m’ont déjà expulsé en novembre, alors que je faisais mon travail à Gaziantep, dans le sud du pays. Parce qu’il existe désormais une liste de journalistes et de médias étrangers « indésirables » en Turquie. Et parce que le gouvernement ne s’embarrasse plus de la loi pour rejeter qui il veut de son territoire.
Il nous semblait important, aux Jours, de revenir en Turquie, de tout faire, malgré le risque d’être refoulé, pour continuer normalement le travail entrepris depuis plus d’un an. Dix-sept mois et sept séjours au total – celui-là aura été le plus court. Nous l’avions promis en novembre après mon expulsion : nous continuerions de suivre la Turquie avec une détermination renforcée, et dès que possible nous reviendrions, faire notre travail de journaliste, en essayant de raconter, de décrypter cette dictature vers laquelle fonçait, s’enfonce, le pays. En tentant de décrire au plus près comment la société turque vit cette bascule.
Cela suppose de pouvoir y aller, enquêter, se promener, rencontrer du monde, discuter, par exemple, avec les opposants à la tentative de changement constitutionnel comme avec ses partisans, ce que nous avions fait en juillet, après la tentative de coup d’État, avec les pro-Erdogan.