Les citoyens turcs pourront-ils voyager dès cet été dans l’espace Schengen sans avoir besoin de visas ? C’est ce qu’a recommandé mercredi la Commission européenne. Sans lever pour l’instant l’ensemble des doutes turcs. Pour l’instant le pays se trouve dans la liste dite négative
de l’Union européenne : celle des pays pour lesquels un visa est obligatoire, même pour les séjours n’excédant pas 90 jours. Dans le sens inverse, les Européens, comme souvent, voyagent librement. Les négociations sur cette histoire de visas traînent à présent depuis une quinzaine d’années et illustrent les rapports de défiance entre l’Union européenne et un pays à qui l’on avait déjà fait croire, voilà trois ans, qu’il allait voyager sans visa en échange de la réadmission des réfugiés sur son sol. Exactement le scénario (re)servi depuis quelques semaines. Deux nuances notables devraient cependant rassurer les Turcs : d’une part, échaudés par la précédente expérience, ils exigent cette fois une mise en œuvre très rapide de l’accord, et d’autre part ils négocient cette fois avec une Europe prise à la gorge, terrifiée par ses propres fantasmes d’invasion.
L’obligation de visas pour venir en Europe exaspère les Turcs, qui trouvent injuste que les pays des Balkans candidats comme eux à l’entrée dans l’Union voyagent librement. C’est une perte de temps pour les citoyens, une source d’arbitraire puisque les refus ne sont jamais justifiés, et un frein pour le commerce dans ce pays en plein essor économique (lire l’épisode 6, « Le prix de l’essor »).

L’Etat turc a longtemps misé sur la Cour de justice européenne pour faire tomber les visas. Un premier arrêt lui a donné l’espoir en février 2009, lorsque la cour a statué sur la libre circulation des services. Mais un second arrêt, en septembre 2013, a refermé la porte, en précisant que cette liberté de circuler ne concerne pas les consommateurs des services. Ne restait que la voie politique, les négociations.
Dès le mois de décembre 2013, l’Union européenne et la Turquie ont donc signé un accord qui était en suspens depuis quelques mois. Et qui ressemble à s’y méprendre à l’accord global signé le 18 mars dernier. L’Europe renonçait aux visas pour les ressortissants turcs et en échange la Turquie reprenait sur son sol les réfugiés passés par son territoire pour gagner l’Europe. C’est ce que la chercheuse Juliette Dupont (lire son analyse sur le