Envoyé spécial à Istanbul
Ce dimanche encore, les transports publics d’Istanbul étaient totalement gratuits, et ils vont le rester au moins jusqu’au 7 août. La mairie a en effet décidé dimanche de prolonger la mesure et de laisser en place les scènes, les sonos assourdissantes qui permettent depuis quinze jours les rassemblements nocturnes célébrant l’échec du putsch du 15 juillet, l’unité nationale turque confortée et le Président Erdogan. Pendant plusieurs nuits, Les Jours ont arpenté ces rassemblements, à Taksim dans le centre et à Fatih, quartier nettement plus conservateur, pour discuter avec ces partisans du Président que l’on entend rarement parler, seulement crier des slogans en faveur de Dieu et de leur Président. Après le premier publié samedi, deuxième volet de ces portraits de supporters.
Sur la place Taksim, depuis deux semaines, un animateur chauffe la foule tous les soirs, des élus viennent faire des discours, et des écrans passent en boucle les images de la nuit du 15 juillet tandis que des haut-parleurs crachent les marches militaires que les Ottomans chantaient lorsqu’ils partaient à la guerre. Sur le côté, contre le parc Gezi, il y a une plus petite scène où sont inscrits les noms des martyrs
du putsch. Un livre d’or, les gens se succèdent pour écrire, en général ils posent leur drapeau contre le pupitre. Sehin reste très longtemps, il écrit un roman, tête penché comme un bon élève, puis se tourne vers sa fiancée et sa mère, qui le prend en photo. Il dessine alors avec ses doigts le profil d’un loup, signe de ralliement des ultra-nationalistes du MHP. Mon père était nationaliste, mon grand-père l’était, je me battrai jusqu’à la mort contre tous ceux qui tenteront de retirer le moindre morceau de mon pays
, dit-il en lâchant le stylo.

Le 15 juillet, il est descendu dans la rue, comme la totalité des gens rencontrés à Taksim et Fatih. Il était très effrayé pour [s]a famille et surtout [s]on pays
. Depuis, il vient quasiment tous les soirs. Je lui demande s’il est aussi un supporter d’Erdogan malgré son appartenance au MHP. Il hoche négativement la tête. Si je pense que je dois voter Erdogan pour protéger mon pays, je le ferai, ce sera mon devoir. Mais il n’est pas ma préoccupation.
Sa mère acquiesce : Erdogan ou un autre, ce n’est pas très important. C’est la Turquie l’important.
Ils sont, comme beaucoup sur cette place, persuadés que plusieurs pays ont aidé le putsch pour diviser la Turquie.