Lorsque Haydar découvre le mouvement Gülen voilà un peu plus de vingt ans, la communauté est sortie de l’ombre. Elle s’est structurée discrètement dans cette Turquie encore laïque autour de son fondateur, Fethullah Gülen. Haydar, disciple dont la famille se fracturera vingt ans plus tard après le coup d’État manqué du 15 juillet dernier (lire l’épisode précédent, « Fethullah Gülen, ennemi d’État »), entre dans une confrérie puissante, qui va encore se développer jusqu’à l’arrivée de Recep Tayyip Erdogan au pouvoir, avant de devenir son ennemi.
Au début des années 90, Gülen s’est laissé convaincre par ses proches de médiatiser le mouvement, de le faire connaître, pour mieux le développer. Et apaiser les soupçons qui entourent les mouvements islamistes à l’époque. Le pays découvre alors une communauté très structurée autour de ce prédicateur aux références culturelles aussi occidentales qu’orientales, qui encourage les membres de sa communauté (la cemaat disent les Turcs) à prendre toute leur place dans la société. « Il y avait une volonté, dira-t-il quelques années plus tard, de sortir de l’ombre pour participer au débat public. »
Pour promouvoir la pensée du « maître respecté », comme l’appellent les gülénistes, le mouvement diffuse depuis le milieu des années 60 ses prêches de façon assez artisanale. Des cassettes circulent dans le pays, des essais font l’objet d’éditions de fortune. Une première revue est également lancée, en 1978, pour s’adresser aux instituteurs.