Cizre, envoyé spécial
C’est un petit terrain vague sur les hauteurs de la ville. Des tombes faites de parpaings rapidement assemblés, avec des plaques de béton enfoncées dans la terre où est écrit à la peinture blanche un nom, parfois un numéro quand on n’a pas pu identifier le corps. On enterre tous les jours à Cizre, petite ville (130 000 habitants avant les « opérations », comme disent les forces de l’ordre) au sud-est de la Turquie. Il a fallu transformer ce terrain vague en cimetière car le plus proche était rempli après les affrontements et les bombardements massifs cet hiver. Une véritable punition collective infligée à la population kurde de quatre quartiers de cette ville, parce que cet été, des jeunes se revendiquant du PKK avaient dressé des barricades, creusé des tranchées, déclaré leurs quartiers indépendants.
Il y a eu des centaines de morts à Cizre, 279 identifiés pour l’instant, dont 90 corps que les familles attendent toujours. Au total, plus de 3 000 morts dans la région depuis cet été, dans ce conflit oublié, coincé entre le Moyen-Orient et l’Europe. Après s’être enflammés pour la cause kurde dans les années 90, les Européens semblent s’être lassés. Le Président Erdogan a su bâillonner leurs institutions en acceptant de garder sur son territoire les migrants dont ils ne veulent pas.