Dans l’épisode précédent (lire l’épisode 7, « Des artistes contrats et forcés »), j’ai raconté que dans la foulée du protocole Schwartz sur la musique en ligne (lire l’épisode 4, « Musique : l’école du microcosme d’argent »), une étude doit être menée par un cabinet indépendant pour analyser une soixantaine de contrats venus de grands et petits labels, afin de faire un état des lieux des bonnes et mauvaises pratiques qui réduisent les revenus des artistes. Mais le lancement de cette étude patauge, principalement parce que personne ne veut qu’on mette le nez dans ses affaires.
J’ai demandé à voir un contrat type, notamment à Sony France puisque Stéphane Le Tavernier, son président – et actuel président du Snep – m’expliquait que les contrats de sa maison sont clean
. J’attends toujours, mais il y a d’autres moyens d’obtenir des contrats.
J’y ai découvert plusieurs dispositions désormais prohibées pour les signataires du protocole Schwartz. Un abattement dit « digital » chez Warner – la dernière des majors à appliquer encore cette arnaque qui consiste à diminuer la rémunération d’un artiste pour payer de mystérieux frais de numérisation. Plus loin, on croise aussi très souvent un autre abattement bien connu qui consiste à diminuer la rémunération d’un artiste le temps d’une campagne publicitaire censée coûter par exemple 200 000 euros… Mais que le label négocie sans avoir à le dire pour quatre ou cinq fois moins.
J’y ai surtout trouvé deux dispositions qui ont été écartées des discussions lors de la mission Schwartz mais qui sont celles qui font en ce moment parler dans le microcosme de la musique en France. À chaque fois, les labels vont chercher l’argent là où il s’est déplacé en empiétant sur les revenus de leurs artistes ou ceux d’un autre métier dans le fragile écosystème de la musique.

C’est en particulier le cas d’une clause qui est apparue il y a cinq ans dans les contrats des majors et des plus gros indépendants, qui exigent désormais que leurs artistes leur reversent une part des revenus de leurs concerts.
Cette clause suit une logique binaire : puisque la vente de disques, de téléchargements ou l’écoute en streaming ne rapporte plus assez, allons voir ailleurs. En l’occurrence, du côté des concerts, qui sont devenus une industrie bien plus importante ces 20 dernières années, alors que le vieux modèle de l’industrie de la musique enregistrée s’effondrait (lire l’épisode 1, « Du CD au streaming, courte histoire d’une révolution ».
Avec la crise de la musique, le disque est devenu un élément de promotion pour les tournées.
Les tournées se sont ainsi multipliées et les prix des billets ont flambé pour des artistes qui sont pourtant sans cesse en tournée dans les grands marchés de la musique (États-Unis, Europe, Japon).