L’affaire LuxLeaks est de nouveau examinée par un tribunal luxembourgeois ce lundi. Et l’enjeu est toujours le même : les lanceurs d’alerte, qui ont révélé un scandale d’évasion fiscale en faisant sortir des documents confidentiels, doivent-ils être condamnés ? En juillet, le procès en première instance avait débouché sur deux condamnations : jugés coupables de vol et de violation du secret des affaires, les deux ex-salariés du cabinet d’audit PriceWaterhouseCooper (PwC), Antoine Deltour et Raphaël Halet, avaient été condamnés respectivement à douze et neuf mois de prison avec sursis, ainsi qu’à des amendes de 1 500 et 1 000 euros. Leur tort ? Avoir transmis à Édouard Perrin, journaliste à Premières lignes, des documents de leur employeur montrant que le Luxembourg était une passoire fiscale pour les entreprises. Information qui, une fois publiée, a « contribué à une plus grande transparence et équité fiscale », selon les dires mêmes du tribunal. Condamnés pour avoir fait le bien, voilà qui n’était pas banal ! Et qui explique que les deux condamnés ont fait appel, espérant un acquittement. Ils auront à leurs côtés Édouard Perrin. Poursuivi pour complicité, le journaliste avait été acquitté en première instance, mais le parquet avait fait appel de cette relaxe.
Sauf énorme surprise, ce n’est pas sur le déroulé des faits que les trois jours d’audience prévus (ce lundi après-midi, puis la semaine prochaine) pourraient changer la donne. Les prévenus et les témoins (dont les enquêteurs de la police et de PwC) ont grosso modo raconté une même histoire en première instance. Deltour, auditeur au sein de PwC, a copié en 2010 des fichiers informatiques présents sur le réseau informatique de son employeur, notamment des tax rulings (ou accords fiscaux) dans lesquels étaient décrits les montages conçus par des dizaines de multinationales pour diminuer leur facture fiscale. Quelques mois après avoir démissionné de PwC, il a transmis ces tax rulings au journaliste Édouard Perrin qui les a utilisés pour un premier reportage sur l’évasion fiscale, diffusé en 2012 sur France 2. Après avoir regardé ce reportage, Raphaël Halet, archiviste chez PwC, a contacté Perrin et lui a transmis les déclarations fiscales de clients de PwC, ce qui a nourri un deuxième film, diffusé en 2013. Les trois hommes ont été identifiés suite à une enquête interne du cabinet d’audit et ont reconnu les faits. Il serait très improbable que les prévenus ou que les enquêteurs racontent autre chose.
Pour autant, ce nouveau procès ne devrait pas être une répétition de l’ancien.