Pour Eyad Al-Gharib, le verdict est tombé. Reconnu coupable de complicité de crimes contre l’humanité, l’ancien sergent des renseignements syriens a été condamné ce 24 février à quatre ans et six mois de prison par la haute cour régionale de Rhénanie-Palatinat, à Coblence, en Allemagne. Dans ce même pays où il avait espéré trouver refuge, quelque deux ans plus tôt (lire l’épisode 11, « Au procès Raslan, un second couteau comme arme du crime »).
Dans la salle du tribunal, le visage comme toujours engoncé dans un masque chirurgical, Eyad Al-Gharib a écouté sa sentence le regard vide. À l’annonce de sa culpabilité, il a plongé la tête dans ses mains. Dépassé, peut-être, par l’ampleur des évènements. Au fil des audiences, commencées il y a près d’un an (lire l’épisode 4, « “Pas besoin d’être un monstre pour être monstrueux” »), cet homme de 44 ans n’avait cessé de s’agiter nerveusement. Comme s’il ne comprenait toujours pas comment lui, le petit sergent, le sous-fifre, avait pu se retrouver là : sur le banc des accusés, aux côtés de l’un de ses supérieurs, le colonel Anwar Raslan. De ce procès sans précédent
Au-delà d’un homme c’est l’ensemble du système criminel du régime qui est condamné.
« Eyad Al-Gharib n’est qu’un petit rouage, mais il a fait partie de la machine de torture du gouvernement, déclare aux Jours l’avocat syrien Anwar Al-Bunni. Cette décision est historique parce qu’au-delà d’un homme c’est l’ensemble du système criminel du régime qui est condamné. » De fait, à travers la condamnation pour complicité de l’ancien sergent, ce sont les exactions du régime syrien qui sont, pour la toute première fois, reconnues comme crimes contre l’humanité par une cour de justice. « La cour est parvenue à la conclusion que, à partir de la fin du mois d’avril 2011 au plus tard, le gouvernement syrien a mené une attaque massive et systématique contre la population civile, afin d’étouffer par la force les mouvements de protestation apparus dans le contexte des “printemps arabes”, et de prévenir une menace pour la stabilité du gouvernement et son éventuel renversement », ont d’ailleurs déclaré les juges de Coblence, détaillant les fondements de leur décision.

Pendant plus d’une heure, ceux-ci ont décrit le système de sécurité syrien et ses exactions, l’ampleur des crimes du régime prenant le pas sur l’implication de l’accusé, dont le cas ne sera développé qu’au bout de cet imposant exposé, pendant à peine plus de vingt minutes : « Des membres de l’opposition, manifestants et critiques du régime, réels ou présumés, ont été arrêtés, maltraités, torturés et tués dans tout le pays. (…) Dans la prison de la branche 251 des renseignements généraux syriens, des violences physiques et psychologiques brutales ont été utilisées pour forcer des aveux, pour obtenir des informations sur le mouvement d’opposition et pour empêcher les prisonniers de participer à de nouvelles manifestations contre le gouvernement. »