Avertissement aux lectrices et aux lecteurs : cet épisode contient des scènes violentes.
Huit mois d’audiences et les preuves ne cessent de s’accumuler au tribunal de Coblence, en Allemagne, où l’ancien colonel des renseignements syriens Anwar Raslan est jugé pour crimes contre l’humanité, aux côtés du sergent Eyad Al-Gharib. Un à un, les acteurs de cette traque dont Les Jours font le récit se sont succédé dans la salle d’audience 128. Chacun rassemblant les pièces du gigantesque puzzle de ce procès. L’avocat syrien Mazen Darwish a décrit la mécanique sanguinaire des mukhabarat, documents internes à l’appui (lire l’épisode 10, « Leur meilleure défense, c’est l’enquête »). Le reporter du Spiegel Christoph Reuter a raconté sa rencontre avec le colonel, aujourd’hui sur le banc des accusés, alors qu’il sortait tout juste de Syrie (lire l’épisode 3, « Le colonel Raslan, déserteur mais faux repenti »). Les terribles photos de corps de détenus torturés issues du « dossier César » ont défilé sur l’écran de la salle d’audience. Et la journaliste Garance Le Caisne est venue porter la voix de celui qui a exfiltré, au péril de sa vie, ces archives macabres d’un régime procédurier (lire l’épisode 6, « César, archiviste de l’horreur des prisons syriennes »). Quant à la Commission for International Justice and Accountability (Cija), elle a envoyé son directeur des enquêtes Christopher Engels présenter aux juges de multiples documents confidentiels du régime, récoltés dans les décombres syriens depuis 2012. Parmi eux, des lettres datées de 2011 émanant du plus haut sommet de l’État et donnant l’ordre d’arrêter quiconque « incite à aller manifester » ou est lié à l’opposition. Et le dossier constitué par la Cija sur Anwar Raslan dès 2017, comprenant des comptes rendus d’interrogatoires signés de son nom (lire l’épisode 9, « Dans le secret des chasseurs de crimes d’Assad »).
Depuis huit mois, ce sont aussi les rescapés des geôles du régime qui témoignent. À visage découvert ou masqués par peur de représailles, survivantes et survivants du centre de détention d’Al-Khatib racontent les rafles et les cellules bondées, la violence des interrogatoires et le mépris de toute humanité. Les récits se suivent, les horreurs décrites se ressemblent, souvent. Et presque tous se font l’écho de crimes sexuels systématiques dans les geôles du régime.

Nudité forcée, attouchements et harcèlement, insultes et menaces, viols aggravés… « Les violences sexuelles commises dans le centre de détention d’Al-Khatib ne sont pas des incidents isolés, constate Me Patrick Kroker, représentant plusieurs victimes parties civiles au procès.