Marie-France est une femme organisée
. C’est le premier adjectif qu’elle utilise pour se présenter dans ses lettres de motivation. Dans la bibliothèque de son petit bureau au papier peint fleuri, la paperasse est soigneusement classée par catégories. Sur une pochette verte est inscrit « PÔLE EMPLOI », en lettres capitales. Marie-France l’attrape et l’apporte au salon, suivie de Litchi, l’un de ses trois labradors. Elle en sort son CV, qu’elle pose sur la toile cirée de la table à manger. Sobre et aéré, il débute par un BEP de vente et retouche de vêtements décroché en 1987. Marie-France a aujourd’hui 47 ans. Elle est au chômage depuis janvier 2015, après une vingtaine d’années principalement passées comme ouvrière dans l’agroalimentaire. Son dernier poste, vendeuse de viennoiseries dans une galerie marchande, a pris fin au bout de deux ans. Le patron ne voulait plus qu’une employée à mi-temps. Avec plus de 50 kilomètres de trajet par jour, ça n’aurait plus été rentable pour Marie-France. Depuis, elle postule tous azimuts.

« Dans quoi je cherche ? Peu importe, lance-t-elle de sa voix forte et grave. Je ne cible pas un métier particulier. Sur les sites, je coche “Loiret”, c’est tout. » Marie-France habite à Triguères, un village entouré de champs à vingt-cinq kilomètres du Pôle emploi de Montargis, où nous l’avons rencontrée. Il n’y a qu’à Orléans qu’elle ne veut pas travailler – une heure et demie de route, ça commence à faire.
Elle cherche aussi dans l’Yonne, à Sens et à Joigny
. Elle n’a pas le choix car le Montargois est sinistré. Ici, on entend toujours dire que des boîtes ferment, jamais qu’elles ouvrent
.
Sur l’ordinateur familial flambant neuf ou sur son téléphone, Marie-France guette les offres sur les coups de neuf heures
. Sur le site de Pôle emploi ou sur ceux des concurrents privés, ça tombe du lundi au dimanche, sans exception
, assure-t-elle. Surveiller au jour le jour lui permet de ne rien rater des nouvelles annonces, sans devoir passer en revue des dizaines de pages. Plus rarement, sa conseillère Pôle emploi lui fait suivre des propositions. Parfois sans cohérence avec ses compétences. J’ai reçu quatre offres de cariste, alors que je n’ai pas le permis spécialisé exigé dans l’annonce. Je vais leur dire parce que ça, c’est vraiment le genre de choses qui me met en colère
, tonne Marie-France.

À chaque candidature envoyée, Marie-France remplit une feuille A4. Mis bout à bout, ces feuillets forment un carnet de bord de ses efforts :