On n’a pas l’occasion de se marrer tous les jours ces temps-ci, chez Lagardère News. Alors quand les salariés des médias encore dans la besace d’Arnaud Lagardère (au premier rang desquels Paris Match, Le JDD et Europe 1) ont, selon les informations des Jours, reçu ce mardi, envoyé par mail ou gentiment déposé sur leur bureau, un document aux couleurs de l’entreprise intitulé « Code de conduite anti-corruption », forcément, il y a eu gros rires sous cape. Trois jours après la mise en examen de la patronne de l’agence de presse Bestimage Michèle Marchand, dite « Mimi », pour « subornation de témoin », en l’espèce Ziad Takieddine et l’interview pour le moins cheloue parue en novembre dans Paris Match où soudain il dédouane Nicolas Sarkozy de toute accusation de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, le guide de 38 pages tombe pile. Obligatoire pour une entreprise de cette taille et très bien fait, ce « code de conduite anti-corruption ». Listant, entre autres grivèleries possibles (« trafic d’influence », « cadeaux et invitations », « les relations avec les tiers »…), le conflit d’intérêts. Las, dans les « cas pratiques » qui accompagnent le chapitre (exemple : « Mon/ma conjoint(e) travaille chez un concurrent de Lagardère News. Que puis-je faire ? »), il n’est pas prévu le cas de Nicolas Sarkozy : « Ancien président de la République, je siège au conseil de surveillance de Lagardère, puis-je bénéficier d’avantages de la part des médias du groupe ? » Les juges chargés de cette affaire logée dans celle du financement de la campagne de 2007 ont eu leur propre lecture de ce cas d’école : depuis sa mise en examen, ils interdisent, selon Mediapart, à Michèle Marchand de rencontrer Nicolas Sarkozy, l’avocat de ce dernier Thierry Herzog, ainsi que le journaliste Hervé Gattegno, directeur de la rédaction de Paris Match et du JDD.
Et puis il sera bien commode ce tuto quand Vincent Bolloré aura officiellement mis la main sur tout ou partie du groupe Lagardère : on lui doit notamment la diffusion en décembre 2017 sur Canal+ d’un magnifique publireportage pour le Togo où il mène de juteuses affaires (lire l’épisode 82 de L’empire, « Le Togo en autopromo chez Bollo »). Prévenantes, la direction de Lagardère News et, dans le billet qui accompagne son fascicule, sa présidente Constance Benqué, qui l’assure : « L’anti-corruption est l’affaire de tous, je compte donc sur l’entière implication de chacun d’entre vous. »

Quant à la situation en cours à Europe 1 qui voit la station se mettre déjà aux ordres de Bolloré alors qu’il n’est pas encore dans les murs, elle n’est pas mentionnée dans le guide et difficile de savoir si elle relève de la rubrique « cadeaux et invitations » ou « conflit d’intérêts »… Avant même que l’assemblée générale du groupe Lagardère entérine, le 30 juin prochain, la fin de la commandite d’Arnaud Lagardère qui lui donnait les pleins pouvoirs, et l’entrée de Vivendi-Bolloré au conseil d’administration (lire l’épisode 9, « Lagardère prêt à se faire Bollotter tout cru »), les dirigeants d’Europe 1, Constance Benqué et Donat Vidal Revel, directeur de l’information, ont déjà annoncé la nouvelle : Vincent Bolloré est déjà là.