De Grenoble
Long kimono noir aux poignets alourdis de galons dorés, boucles en cascade et faux ongles blancs : Ichrak a revêtu son habit de lumière, ce mardi 6 juillet, pour célébrer son bac. Redoutés, espérés, les résultats vont être affichés à 9 heures pile sur la grille qui longe l’entrée du lycée Emmanuel-Mounier de Grenoble. C’est là que Les Jours ont passé deux ans à disséquer la réforme du baccalauréat inaugurée à la rentrée 2019-2020 par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale à la surprenante longévité en cette ère disruptive. Deux ans à documenter des tranches de vie en classe, en première puis en terminale ; le quotidien d’ados et de leurs profs ballottés tant par les injonctions académiques que par les aléas de la crise sanitaire. L’heure de grâce est enfin arrivée pour ces lycéens, les premiers à expérimenter cette refonte pédagogique, machine à polémiques dès son lancement.
Ichrak n’est pas venue comme à son habitude en tram, mais en voiture avec une camarade et leurs mères. Sur le trottoir, l’escouade trépigne. D’autres élèves affluent, certains portant encore leur masque malgré l’air libre. L’ultime ligne droite est avare de mots, des pelleteuses se chargent de la bande-son. Après plusieurs années de travaux, les derniers bâtiments anciens de Mounier sont mis à terre dans un nuage de poussière. À la rentrée prochaine, le chantier aura fait place à une nouvelle cour ombragée. « J’ai une boule dans la gorge, là, confie la mère d’Ichrak en portant la main à son cou. J’ai sept enfants mais je n’ai pas le bac, je peux vous dire qu’ils l’auront tous, eux, les sept. »
C’est le moment. Le proviseur Joseph Sergi et le CPE Guillaume Leyral crochètent les tableaux à la grille. Ichrak ne fait pas mentir les pronostics maternels : admise, avec la mention « assez bien ». Elle ne s’attendait pas à ce « bonus ». « J’en suis bien contente », dit-elle, solennelle, aux Jours. Puis le naturel revient au galop : « Je reprends ma voix et je fais un youyou ! » Les mères euphoriques passent un appel vidéo, listes en toile de fond. Cris de joie en mode haut-parleur. Dans le petit attroupement qui se forme, il y a quelques larmes vite épongées du pouce. Il y a ceux qui n’arrivent pas à y croire et pointent plusieurs fois leurs noms en lettres noires. Et ceux qui se satisfont du presque : « Ouais ! Wala ! Je vais au rattrapage ! », s’écrie tout heureux un lycéen.
Joseph Sergi se tient bien droit près de la grille. Il y a quelques décennies, le