De Grenoble
Le revirement ministériel a pris tout le monde de court. À la suite de l’assassinat de Samuel Paty, à quelques pas de sa salle de classe à la veille des vacances de Toussaint, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait prévu une rentrée décalée à 10 heures, ce lundi 2 novembre. Afin de laisser les enseignants préparer ensemble l’hommage à leur collègue d’histoire-géographie, mort pour avoir montré à une classe de quatrième des caricatures de Mahomet. Blanquer est finalement revenu sur sa décision, deux jours avant la rentrée, invoquant des raisons sanitaires et sécuritaires.
Une volte-face « très violente », qui montre « de manière brutale le décalage entre le timing de la communication politique et le temps pédagogique », regrette Christine Guimonnet, enseignante d’histoire-géographie dans un lycée de Pontoise et secrétaire générale de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) : « Les profs l’ont très mal vécu, beaucoup sont encore en état de choc. On avait besoin de ce sas de décompression avant de retrouver les élèves, d’en parler entre nous car certains sont moins à l’aise que d’autres pour aborder la question face à eux. »
Au lycée Emmanuel-Mounier, à Grenoble, où Les Jours suivent de l’intérieur la réforme du bac depuis plus d’un an, le proviseur Joseph Sergi a minutieusement préparé cette séquence, indispensable à ses yeux. Il a décidé de la maintenir, « même si les instructions officielles sont différentes ». À 8 heures, les personnels ont été invités à se retrouver dans la nouvelle cantine, livrée après des mois de travaux de réhabilitation des bâtiments hors d’âge, qui ont vu passer des générations de lycéens depuis 1963. « Je vais leur proposer d’avoir tous le même déroulé lors de l’accueil des élèves à 10 heures : la symbolique de l’école, l’enseignant avec un grand “E”, les valeurs de la République et la notion de laïcité », nous expliquait-il en fin de semaine dernière. Les Jours avaient prévu, comme d’habitude, de s’asseoir au fond de la salle.

Mais le service communication de l’Éducation nationale en a décidé autrement, verrouillant l’accès des médias aux établissements scolaires, sauf exception et encadrement particulier. C’est donc du trottoir que Les Jours ont suivi cette rentrée hors norme, « la plus anxiogène que j’ai jamais faite de toute ma carrière », dit Solène Milaret, prof principale de la terminale G4 à Mounier.