De Grenoble
Parfois, la vérité sort de la bouche des parents. Ça donne : « Franchement, en anglais, Jérémy a un accent dégueulasse. Je lui dis : “M’enfin, quand même, tu pourrais faire un effort.” Moi, je préfère qu’il parle espagnol qu’anglais, c’est plus agréable à entendre. » Geneviève Bazyn a une petite dizaine de minutes pour échanger avec la prof d’espagnol de son fils, élève en 1ère G4, la classe suivie par Les Jours. L’enseignante se veut rassurante : « Ça se passe très bien, il a une bonne moyenne, il y a un travail régulier, il est agréable. » « Et il participe ? », s’acquiert sa mère. « Oui, bon, il y a un peu de bavardage sur ce groupe-là, il faudrait peut-être qu’il s’en détache. S’ils n’arrivent pas à couper le cordon eux-mêmes, on peut les aider, il peut venir discrètement à la fin du cours pour être déplacé », suggère la prof.
Jérémy n’est pas là pour entendre le conseil. Geneviève Bazyn a préféré qu’il rentre à la maison pour réviser… son espagnol, justement. Car la réunion parents-profs prévue ce jeudi pour les classes de première tombe en plein milieu de la série inaugurale des « épreuves communes de contrôle continu » (les E3C), l’un des dispositifs phares du bac Blanquer, qui soulève la réprobation d’une partie du corps enseignant et des fédérations de parents d’élèves (lire l’épisode 11, « Contrôle continu : doit faire ses preuves »). Leurs modalités, décrétées à la dernière minute par le ministère de l’Éducation, alimentent le procès en précipitation fait à la réforme de l’examen national.
Depuis la sixième, je demande à voir tous les profs à chaque réunion.
Geneviève Bazyn n’est pas de ses contempteurs : elle « pense toujours du bien » de cette refonte. Mardi, quand Jérémy est rentré de son épreuve d’anglais, qui a eu lieu dans la matinée entre deux cours, comme un devoir surveillé lambda, elle ne l’a pas « senti particulièrement stressé ». « Il m’a dit : “Bien passé.” Je lui ai demandé : “Bien passé combien ?” » L’ado a répondu par un « 14 ou 15 » lui assurant une paix passagère. « Je suis juste vigilante, je dis toujours : “Je suis chiante mais pas stressée”, se marre sa mère. On verra, il n’y avait pas d’annales comme c’est la première année. Je lui répète : “Offre-toi le luxe d’avoir le choix. Que tu conduises un camion-poubelle, tant que c’est ton choix, c’est parfait.” »
En prenant comme spécialités maths, physique-chimie et sciences de la vie et de la terre (SVT), Jérémy a reproduit l’ancienne filière S, à l’instar de 26,1 % de ses camarades en France, selon les chiffres du ministère donnés à la rentrée.