De Grenoble
Chacun a été prié de venir masqué, à une heure très précise. Toutes les cinq minutes, ce jeudi matin, les élèves de la 1ère G4 sont autorisés à franchir un par un le seuil du lycée Emmanuel-Mounier, à Grenoble, pour rendre leurs manuels scolaires et déposer leur dossier d’inscription pour l’année de terminale. Après, bien sûr, s’être oint les mains de gel hydroalcoolique, dont un flacon a été placé dans le hall tel une sentinelle. Simon, Axelle, Léna et Lucas B. ne le savent pas encore, mais ce jeudi sera en fait leur dernière occasion de mettre les pieds au bahut avant septembre, à la prochaine rentrée.
Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, l’a annoncé dans l’après-midi lors d’une conférence de presse chapeautée par le Premier ministre pour donner les grandes lignes de la phase 2 du déconfinement dans le pays : l’oral du bac de français, prévu le 26 juin, n’aura pas lieu. Fini le bachotage
On a tous été infantilisés, car ça a envoyé aux élèves le signal qu’on ne leur fait pas confiance et aux profs, qu’ils ont dû faire un boulot dénué de sens.
Après avoir consulté les syndicats enseignants, les fédérations de parents d’élèves et présidé la veille, mercredi, le Conseil national de la vie lycéenne, Jean-Michel Blanquer a « entendu leurs inquiétudes face à une situation exceptionnelle qui a entraîné une inégale préparation » : « Nous entendons l’argument qui considère que l’évaluation la plus juste de la connaissance des élèves en français est de prendre en compte les notes des deux premiers trimestres de l’année, et donc par conséquent, l’épreuve orale de français sera validée par le contrôle continu », a-t-il détaillé, mettant fin à un suspense qui commençait à s’éterniser.
Au point d’agacer même Joseph Sergi, le proviseur du lycée Mounier, d’ordinaire peu porté sur l’irrévérence hiérarchique. « C’est un facteur d’angoisse de ne rien savoir, dit-il. Depuis les dernières annonces du ministre, on était démunis, on ne savait pas quoi dire aux équipes et aux familles. Je peux entendre qu’on ne veuille pas démobiliser, mais trop attendre peut être contre-productif, ça crée du stress et le “à quoi bon ?” des élèves. »
Jean-Marc Duport-Butique, le professeur de français de la classe de 1ère G4, se dit, lui, « extrêmement déçu et en colère » d’avoir dû « mariner comme ça » : « Ça nous a empêché de faire un travail intelligent avec les élèves, alors qu’on aurait pu avancer sur le bilan de leur formation en français, se projeter sur la philo qu’ils auront en terminale et sur le grand oral », l’une des nouveautés du bac Blanquer.