Sur sa couverture bleue, il y a des planètes stylisées et les trombines graves d’Albert Einstein et de Marie Curie. À leur époque, on ne rigolait pas avec la science. Depuis, plusieurs générations de pédagogues se sont employés à rendre son apprentissage ludique. Une couverture pimpante donc, pour mieux faire passer les 264 pages d’« enseignement scientifique » qui suivent, une matière du tronc commun créée avec la réforme du bac. Ce manuel, c’est celui choisi par les profs de la 1ère G4, au lycée Mounier de Grenoble. Il est paru chez l’éditeur Hatier fin mai 2019. Quatre mois plus tard, le livre de sciences était enfin dans tous les cartables de nos lycéens grenoblois. Entre-temps, il s’est fait attendre.
Fin septembre, Naïma, élève de 1ère G4, qui estimait de premier abord la réforme « plutôt bien », déchantait déjà : « Tout s’est fait précipitamment, on a eu beaucoup de manuels trois semaines après la rentrée. » Et d’autres, plus tard encore. Le 8 octobre, durant le brief des enseignants destiné aux parents (lire l’épisode 5, « Les parents mettent le nez dans le bric-à-brac du bac »), une prof de sciences reconnaissait elle aussi se languir : « Le problème cette année, c’est le livre, il va arriver, ce sera le support indispensable, c’est vrai que ça commence à être long… » À la veille des vacances de Toussaint, elle a enfin été exaucée : le livre est arrivé, pour tous. Parce qu’en fait, il était déjà un peu là : début septembre, la région Auvergne-Rhônes-Alpes a livré… 48 manuels d’enseignement scientifique au lycée Mounier, alors que 170 avaient été commandés. Le proviseur, M. Sergi, a préféré attendre les exemplaires manquants pour lancer la distribution, afin que les élèves restent sur un pied d’égalité.
La réforme du bac a donné lieu à de nouveaux programmes, sortis tardivement (euphémisme), ce qui a bousculé l’habituel circuit de production des éditeurs de manuels tels Hatier, Bordas, Nathan, Belin ou Hachette. À Grenoble, comme dans le reste de la région Rhône-Alpes, l’approvisionnement a été particulièrement compliqué cette année, pour une autre raison : la reprise en main par le conseil régional de la location des manuels scolaires de seconde et de première, jusque-là gérée par les fédérations de parents d’élèves (FCPE et Peep). En Auvergne, cette mesure avait déjà été mise en place par l’ancienne majorité socialiste ; elle a été étendue en 2019 à la partie rhône-alpine de la grande région dirigée par un exécutif Les Républicains depuis 2015 et