Sur le plan de quartier, un pâté d’immeubles de la rue Max-Dormoy est entouré en rouge avec, comme seule indication, en rouge également, le chiffre 3. Ces trois élèves, ils sont pour nous
, dit Jean-Louis Terrana en tapotant de l’index la carte posée sur son bureau. Il décrypte : Ça, c’est de l’haussmanien, des grands appartements. Ce sont des bobos.
La composition sociologique de cet immeuble n’est pas indiquée aussi précisément dans les documents statistiques à sa disposition, mais le principal du collège Aimé-Césaire connaît son secteur comme sa poche. Je me promène, je me renseigne, c’est finalement très empirique
, dit-il l’air de rien. « Et là, répète-t-il tapotant à nouveau le cercle de feutre rouge, je sais que ce sont des familles plus aisées ». Le principal a bataillé pendant des semaines pour que cette minuscule parcelle de la rue Max-Dormoy reste dans le périmètre de la carte scolaire d’Aimé-Césaire et n’échoie pas au collège voisin, qui lorgnait aussi dessus. Il a obtenu gain de cause.

Chaque année, l’académie de Paris redéfinit la carte scolaire en fonction des prévisions d’évolutions démographiques à venir, du nombre de places disponibles dans chaque établissement. Mais aussi de données qui n’apparaissent pas dans la statistique publique : l’ambiance d’un quartier, les problèmes particuliers d’un établissement. Elles font l’objet de réunions et de concertations où les chefs d’établissement, la mairie centrale et les mairies d’arrondissement mais aussi les réprésentants de parents d’élèves sont consultés. Et même plutôt écoutés, selon les intéressés. Il y a des discussions de plusieurs heures sur des bouts de rue, mais ce n’est qu’en discutant qu’on fait avancer la question de la mixité sociale, jamais en l’imposant
, se félicite Alexandra Cordebard, adjointe PS aux Affaires scolaires, à la Réussite éducative, aux Rythmes éducatifs de Paris. Des micro-ajustements à l’échelle d’une académie mais des macro-enjeux pour les collèges, où la gestion de cette mixité sociale est centrale. Ce qui est le cas d’Aimé-Césaire.
Le collège est situé dans un quartier populaire du XVIIIe arrondissement, entre le métro La Chapelle, le quartier de la Goutte-d’Or et les voies ferrées de la gare du Nord, un quartier qui a été très largement rénové et repeuplé ces dix dernières années. D’abord par une politique importante de construction d’immeubles de logements sociaux, qui ont remplacé des squats, des immeubles insalubres et des friches industrielles.