Milena Sadok n’aimait pas l’école. Elle est inscrite en première année à la fac. Elle était décrocheuse, la voilà qui s’accroche. Je l’avais rencontrée au début de l’année, à l’université de Nanterre, à une assemblée générale où elle était restée silencieuse, observant de loin les échanges entre étudiants (lire l’épisode 2, « Dans la fleur de l’AG »). Elle est inscrite en histoire de l’art et archéologie. Milena veut réussir à la fac alors qu’elle a échoué à l’école. Du moins, m’avait-elle expliqué en octobre, elle se force à « expérimenter » (lire l’épisode 3, « Rendez-vous à Nanterre inconnue »). Chaque semaine est une petite « victoire » intime.
Milena a regardé passer la réforme d’APB (lire l’épisode 10, « Réforme de la fac : bonne volonté mais peut mieux faire ») en s’imaginant prise dans les nasses du nouveau système qui, pour l’orientation des bacheliers, donnera la part belle aux conseils de classe et aux avis des professeurs principaux du lycée. En première, elle n’allait plus en cours. Qui aurait pu évaluer son projet d’études ? Et d’ailleurs, quel projet d’études ? Elle n’en avait pas à cette époque. Milena a passé le bac en candidate libre (sans l’obtenir). Elle a attendu de revenir d’un long voyage en Asie pour se remotiver et passer une équivalence (qu’elle a eue). Depuis des années, son rapport à l’école est douloureux, angoissant, comme elle le raconte dans le son ci-dessous, témoignant de la phobie scolaire qui l’a enserrée.
En arrivant à la fac, elle s’est dit : « Il faut que j’y arrive. » Dès les premières semaines, elle me confiait préférer les amphis, anonymes – « On est nombreux, je ne me sens visée par rien, je peux me cacher derrière les têtes » –, plutôt que les TD, les travaux dirigés, qui ont lieu dans des salles de classe.