Le suspense fut de courte durée. Les syndicats sont réapparus au bout d’une petite heure seulement sur le perron de Matignon, d’un seul bloc, mines fâchées. À la sortie de leur rendez-vous avec la Première ministre Élisabeth Borne, les différentes composantes de l’intersyndicale ont affiché leur unité et dénoncé « la grave crise démocratique » que traverse le pays, par la voix de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, ou encore « un gouvernement radicalisé, obtus et déconnecté », selon la nouvelle secrétaire général de la CGT, Sophie Binet. Quelques minutes plus tard, la locataire des lieux a pris la parole à son tour pour vanter des « échanges respectueux ». Selon Élisabeth Borne, la réunion marque « une étape importante ». Elle promet d’avancer avec les partenaires sociaux à l’avenir. Sans convaincre.
En matière de retraites, le perron de Matignon en a vu d’autres. C’est là qu’en 2003, le secrétaire général de la CFDT d’alors, François Chérèque, a entériné la réforme du gouvernement Raffarin, la qualifiant de « compromis acceptable ». Là aussi qu’en décembre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe avait promis de rapidement dévoiler ses arbitrages, alors que les syndicats l’exhortaient à la transparence, après des semaines de consultation et de bataille entre les cabinets de l’Élysée et de Matignon (lire les épisodes 7 et 10 de la saison 2). Mais rarement, après une rencontre, les prises de parole entre l’exécutif et les partenaires sociaux ne sont apparues aussi antagonistes.
Mardi 4 avril, à la veille du rendez-vous, la CFDT ne nourrissait pas beaucoup d’espoir. « Nous attendons un geste politique qui apporte de l’apaisement, alors que la contestation n’a cessé de s’amplifier depuis le début du mouvement, expliquait aux Jours Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé des retraites. Nous espérons un rendez-vous de clarification qui permette d’engager un dialogue sur l’emploi ou les conditions de travail. Mais cela passe par une mise en pause de la réforme des retraites et l’ouverture d’une large discussion qui englobe tous ces sujets, comme cela aurait dû être le cas dès le début. » Mercredi matin, Élisabeth Borne a fermé la porte à toute suspension, opposant une fin de non-recevoir au secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui venait de proposer de renouer le dialogue via une conférence sociale.

La dernière rencontre entre l’exécutif et les syndicats remontait au 10 janvier. En trois mois,