Je passe voir le principal du collège Aimé-Césaire un vendredi pour parler politique, parce que le vendredi, au collège, c’est un peu comme souvent dans les bureaux, il y a quelque chose dans l’air de plus tranquille, comme si l’urgence qui guide les autres jours de la semaine s’était soudainement évaporée. Cette impression est d’autant plus forte avec Jean-Louis Terrana qu’il s’astreint avec une rigueur jamais prise en défaut à abandonner son uniforme costume-cravate du lundi-mardi-mercredi-jeudi pour revêtir chaque vendredi une tenue qu’on l’on pourrait qualifier de « casual ». Ce vendredi, il m’attend donc avec un café dans son bureau pour notre désormais régulière « causette politique », depuis qu’il a accepté de rejoindre le « panel » d’électeurs des Jours durant la présidentielle. Ce sera notre dernier rendez-vous. Il vient de recevoir un mail de sa hiérarchie : à partir du 23 mars, début de la campagne officielle, il devra respecter, en tant que fonctionnaire, un devoir de réserve.
Je ne suis pas assise qu’il me prévient, dans un mouvement de recul de fauteuil à roulettes : « Je suis vraiment dans l’embarras, Madame Géraud. » Il répète la phrase plusieurs fois pour me donner la mesure de cet embarras. Les affaires de Fillon ? Celles de Le Pen ? Non, non, non, c’est à la fois plus grave et moins précis. Il est embarrassé par ce qu’est devenu la politique, ce magma informe qui, se répandant sur la campagne présidentielle, semble tout brûler sur son passage, sans laisser beaucoup de possibilités de repousse aux idées. Je m’assois. Nous parlons politique et éducation. « Ce qui guide mon choix d’électeur, c’est principalement la politique éducative qui va être proposée, parce que c’est ce qui me touche le plus au cœur et qui me concerne professionnellement. »
Ancien prof en lycée pro, ancien principal de collège huppé et depuis cinq ans à la tête de ce collège parisien classé REP, il a éprouvé des réalités diverses et pense que l’Éducation nationale a besoin d’une réforme de fond. Il a regardé de près tous les programmes (« même celui de Marine Le Pen »), mais ne l’a pas trouvée, cette réforme de fond. Il parle de