C’était presque une ligne de conduite. Aux premiers tours des élections présidentielles, il votait « toujours » à gauche de la gauche, c’est-à-dire « jamais » pour le Parti socialiste. Il devait en être de même cette année. Mais rien n’est pareil pour personne en cette curieuse fin de campagne électorale. Et Antoine Labaere, 33 ans, professeur d’histoire-géo en collège, a tranché : il votera Benoît Hamon, tout socialiste soit-il. Il s’était intéressé à son cas lors de la primaire de gauche (lire l’épisode 5 des Électeurs), curieux de ce candidat qui osait s’affranchir de la « valeur-travail » comme étendard. Il aimait bien, aussi, sa proposition de revenu universel (lire l’épisode 1 de l’obsession Idées fixes). À ce moment-là, au-delà de la candidature Benoît Hamon, il commençait même à se dire que cette campagne présidentielle serait intéressante. Que la cartographie de la gauche se redessinait sur des bases idéologiques plus claires, c’est-à-dire, de son point de vue, avec « des vrais projets de gauche ». L’historien qui est en lui se frotte les mains, il a l’impression « d’assister en direct au congrès de Tours », celui qui scinda en 1920 la SFIO en deux gauches, socialiste et communiste. Mais il y a eu l’affaire Fillon. Et le débat d’idées, constate-t-il, s’est un peu arrêté là.
« Depuis, c’est devenu n’importe quoi, tout est pollué. » Antoine Labaere ne cache pas, pourtant, avoir ressenti un certain contentement quand l’affaire est sortie dans Le Canard enchaîné.