Son jihad aura été de courte durée. Trois semaines après son arrivée en Syrie en septembre 2014, Yassin gît au sol dans un hôpital de guerre, une balle logée dans le ventre. En fait d’hôpital, c’est une baraque abandonnée transformée en maison de repos à Mayadin, ville garnison de l’État islamique (EI), dans l’une de ses zones les plus reculées, à l’est de la Syrie, à une soixantaine de kilomètres de la frontière irakienne.
Une centaine de blessés sont entassés là avec ce jeune Français, dans des conditions rudimentaires. Beaucoup sont mutilés ou amputés. C’est un univers de douleur. Tout le monde a mal. Tout le monde se plaint. Certains pleurent, crient et s’énervent. Mais un autre, qui avait perdu un bras et une jambe, ne disait rien. Il avait l’os qui sortait, ça s’était infecté, ils ne pouvaient pas l’opérer correctement. Il lui manquait le bras et il était tranquille. Il parlait normalement. Peut-être que c’était la foi, ou la résignation.

Yassin, lui, vient d’être opéré en urgence par des hommes dont il ignore s’ils étaient médecins avant d’intégrer l’EI. Une partie de ses intestins a été arrachée. Sa hanche est brisée. Il perd beaucoup de poids. Je restais allongé. Je pouvais pas m’asseoir. Je sentais plus ma jambe parce que le nerf avait été abîmé. Le nerf me brûlait.
Plus d’un an après les faits, rentré en France, cet étudiant de 23 ans, en jeans, basket et polo, les cheveux courts, le visage juvénile, anguleux et imberbe, raconte son histoire aux Jours.
Un récit de plusieurs heures qui ne laisse entrevoir aucun traumatisme apparent, juste un étonnement rétrospectif.