Depuis son arrivée, la famille n’a pas éveillé les soupçons. Le fils, Yassin, a été grièvement blessé au combat. Les parents, tous deux médecins, ont tourné le dos à leur confort matériel en France pour venir le chercher et, afin de donner le change à l’État islamique (EI), ils travaillent à l’hôpital de Raqqa et forment les médecins de l’EI. Aux yeux des jihadistes, ils font figure, avec leurs deux filles, d’émigrés modèles et méritants. Malgré cette bonne image, encore faut-il trouver un bon prétexte pour obtenir une autorisation officielle de sortie du territoire. Car toute sortie est désormais interdite. Tout désir de retour en arrière peut être assimilé à de l’espionnage. Or, une condamnation pour espionnage au sein de l’EI peut déboucher, en dernier ressort, sur la peine de mort.
L’excuse, expliquent aux Jours les parents de Yassin, sera d’aller chercher à la frontière turque leur troisième fille, enceinte et prétendument désireuse, elle aussi, de rejoindre le califat. Pour ce déplacement, Faycal obtient l’autorisation de son émir, « Abu Noël », que les parents de Yassin ont surnommé ainsi en raison de sa barbe blanche (lire l’épisode 5, « Les médecins français de Raqqa »). L’assistant de l’émir dresse le document officiel ; il propose même de les accompagner. La route est dangereuse et une simple erreur de direction à une intersection risquerait de les conduire dans les bras du camp ennemi, derrière les lignes pro-Bachar. Fayçal décline poliment.
Ce premier document permet d’en obtenir un second, auprès cette fois de l’« office de l’émigration et de la hijra du wali de Raqqa ».