La première rencontre avec Zoubeir après sa libération a lieu dans sa cité, au pied de son immeuble, à l’automne 2015, mais nous échangions avec lui sur internet depuis 2013, avant même son départ en Syrie. Ce garçon grand et discret, qui ne sort jamais sans sa petite sacoche, tient à nous faire goûter son kebab préféré. C’est dans sa ville, selon lui, qu’on déguste les meilleurs de toute la région parisienne : il refuse d’en manger ailleurs. Justement, dit-il, son premier plaisir en sortant de prison fut un sandwich grec, sauce samouraï. Plus sérieusement
, de revoir sa famille, qu’il avait choisie de quitter brusquement pour partir en Syrie, deux ans plus tôt. Derrière une dégaine nonchalante, il se montre plein d’humour, extrêmement vif d’esprit, s’exprime avec précision et recul critique, capable de matérialiser avec distance, d’objectiver la mécanique qui l’a poussé à devenir jihadiste, pour exister.
À ses yeux, son origine sociale n’est pas une clé de compréhension. Zoubeir se définit comme un enfant de la classe moyenne supérieure
. Il a pourtant grandi en Seine-Saint-Denis, dans le béton d’une cité HLM bordée par les huit voies d’une autoroute. Ses parents, originaires du Maghreb, exercent des professions intermédiaires, en indépendants. Avec leurs enfants, ils vivent dans un appartement F4 de 80 mètres carrés. Chez eux, tout le monde n’a pas sa chambre. Au moment de son départ en Syrie, il est mineur, en terminale technologique, plutôt bon élève.