Rahma Fettouch a les larmes aux yeux. Après une première année difficile au collège Lévi-Strauss, Yasmine, sa fille de 12 ans, a obtenu les encouragements. Achraf, d’un an son cadet, a brillamment fait son entrée en sixième avec 19 de moyenne. En guise de récompense, la mère de 47 ans a décidé de les emmener trois jours à Paris chez sa cousine, « voir la tour Eiffel, manger dehors ». Elle qui n’a pas fait d’études insiste : « L’école, c’est très important. Il faut pas qu’ils fassent du nettoyage. » Le nettoyage, c’est son gagne-pain depuis son plus jeune âge. Elle a commencé dès ses 12 ans, à Oran, sa ville natale en Algérie. Elle a continué à son arrivée en France, en 1999. D’abord à Angers, avec son premier mari, puis après avoir emménagé à Lille en 2003. C’est là, dans les barres d’immeuble de Concorde, le sixième quartier le plus pauvre de France, qu’elle vit aujourd’hui avec son second mari et ses deux enfants. Avec ces derniers, elle joue cartes sur table. « Ils me disent : “On sait pourquoi t’as un problème de santé maintenant, parce que t’as commencé à travailler jeune, pour tes sœurs, tes frères, ta maman, ensuite t’es venue ici travailler pour nous.” » Diabétique, Rahma Fettouch a dû arrêter son activité l’année dernière.
Certaines familles pensent qu’elles n’ont pas leur place à l’école.
La mère est satisfaite du collège de ses enfants. L’autre établissement du quartier, Wazemmes, est moins bien réputé. Né en 2008 de la fusion de deux collèges, il devait pourtant devenir symbole de mixité sociale et a mis en place des cours de chinois pour attirer les familles des quartiers plus favorisés. Dix ans plus tard, constat d’échec. « Quand on change les murs, on ne change pas ce qu’il y a à l’intérieur, juge Fatiha Mifak, directrice de l’association d’accompagnement scolaire Perspectives. La mixité n’existe pas parce qu’elle n’existe pas nos quartiers. » Les parents du secteur qui en ont les moyens se tournent souvent vers le privé : Averroès pour l’enseignement musulman, Thérèse-d’Avila pour le catholique.
Même dans le public, les collèges se font concurrence. Boulevard de Metz, des familles se disputent les places pour Lévi-Strauss. Son statut de REP le rend plus attractif que Wazemmes, estampillé REP+. Pourtant, les taux de réussite au brevet et de mention sont approchants : en 2016, 82,2 % de réussite pour Wazemmes et 76,7 % pour Lévi-Strauss. Et, tout de même, un taux de mention de 34,9 % pour le premier et de 39,2 % pour le second.
Avec leur classement en REP et REP+, les deux collèges se voient allouer des moyens supplémentaires.