C’est une présence fantomatique. Elle est assise, immobile, dos à la grande fenêtre du salon. Le volet est toujours partiellement clos. Pénombre et silence. Madame O. n’arrive toujours pas à se faire à l’idée d’avoir perdu Luigi il y a six mois, abattu d’un tir de kalachnikov à 16 ans (lire l’épisode 1, « 21 h 15, le décès de Luigi est prononcé »). Ses paumes sont recouvertes d’un large pansement. Il y a quelques jours, elle est tombée au travail – elle est aide à domicile – et s’est blessée avec son plateau de service. La mère de famille raconte ne plus avoir l’énergie, elle est de nature travailleuse mais elle n’y arrive plus. La mairie de Saint-Denis lui a conseillé un psychiatre, elle a accepté de consulter. Il y a la dépression et il y a la colère. Arrière-goût amer. Elle a senti son fils glisser, elle a senti l’influence grandissante de la rue sur lui. « Ça a commencé en cinquième. » Elle refuse de culpabiliser, pense avoir fait ce qu’elle pouvait, demandé de l’aide où elle pouvait autant et aussi souvent que possible.
Monsieur O., le père, ne se souvient pas précisément de la date de la première fois où il a dû aller chercher son fils au commissariat de Saint-Denis. Mais il se souvient avoir pleuré. Selon lui, c’était au début de l’année scolaire 2017-2018. Luigi est interpellé en sortant du domicile familial.