Agadez, envoyée spéciale
Le vent du désert souffle sans relâche, une haleine aride remplie de poussière qui envoie les sacs plastique noirs s’accrocher sur les branches des acacias. Dans la queue qui s’est formée devant une des tentes du centre régional des refoulés d’Agadez, au Niger, les hommes s’en protègent comme ils peuvent, tirant un bonnet sur les yeux, ajustant une écharpe en turban autour de leur visage. Ils sont arrivés la veille au soir, expulsés d’Algérie, et ont passé la nuit ici, sous une des dix toiles battues par le vent que rien n’arrête, à la périphérie de la ville. Quand le pick-up de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) est arrivé, l’agitation a saisi les petits groupes installés dehors, chacun s’est pressé pour être le premier reçu. Un vendeur ambulant a débarqué pour l’occasion. Il propose foulards et cartes SIM, le nécessaire de survie pour la route. Dans la tente, des agents de l’OIM interrogent les refoulés : nom, prénom, date de naissance, nationalité. C’est cette dernière information qui décidera de leur sort.
Depuis le naufrage du 18 avril 2015, dans lequel PM390047 a péri, point de départ de cette enquête sur les routes de l’exil, l’idée d’un « tri des migrants » entre réfugiés et « migrants économiques » a fait surface dans les politiques européennes, donnant naissance aux « hotspots » grecs et italiens, où les arrivants sont enregistrés (lire l’épisode 5, « Après les tragédies, l’Europe refermée »).