Mamadou Seydou Bâ n’avait que 18 ans quand il a disparu. C’était l’avant-dernier de la fratrie, un jeune homme vigoureux, dans la force de l’âge. C’est lui que la famille a désigné pour partir, au printemps 2015. « Quand nous avons appris qu’il y avait une route par la Libye, que des gens du village étaient partis pour l’Europe, nous avons décidé de l’envoyer. Nous avons choisi pour lui. Mamadou Seydouétait d’accord », précise son père, Ousmane. Installé sur le pas de sa porte, à Kothiary, un village du sud-est du Sénégal particulièrement touché par les disparitions en Méditerranée (lire l’épisode 15, « Abou, le deuil impossible »), le vieil homme range le Coran qu’il est en train de lire. Son épouse Dalanda décortique des arachides avec une jeune fille. Elles sont assises sur une natte devant la case, à côté d’un mouton attaché à un piquet. « Tout ceci est dans les mains de Dieu », soupire Dalanda.
Tout le monde s’est cotisé pour payer le voyage de Mamadou Seydou. « Chacun a mis quelque chose », précise son grand frère Mamadou, venu faire une pause à la maison. Il s’excuse de ses vêtements tachés de noir : il est en train de faire brûler du charbon dans la brousse, un peu plus loin. « Tout le monde a aidé. Même si c’était 100 CFA (15 centimes), c’était bien. Parce que si mon frère partait, il ne partait pas pour une personne mais pour plusieurs. Alors c’était normal que tout le monde participe aussi. »
Le voyage était cher : 450 000 francs CFA (près de 700 euros) pour arriver en Libye, puis 600 000 (900 euros) pour la traversée.