À Arlit (Niger)
Que s’est-il passé le dimanche 9 avril 2023, à 7 heures du matin, quand des coups de feu ont retenti dans la passe de Taghraba, sur la piste entre Arlit et le site d’orpaillage de Tchibarakaten, au milieu du Sahara, dans le nord du Niger ? Pendant plusieurs heures, rien n’a filtré : il fallait que les rescapés puissent atteindre le réseau téléphonique pour donner l’alerte. « Attaque sur convoi d’orpailleurs, des blessés et des morts » : les premiers messages laconiques ont commencé à circuler sur les groupes WhatsApp sahariens en début d’après-midi. Puis des photos, dans la soirée, montrant des corps sans vie de soldats nigériens à l’arrière d’un pick-up. Irreconnaissables sous leur uniforme maculé de sang, dans un véhicule blanc criblé de plusieurs balles. Rien de plus.
L’attaque, qui a fait grand bruit au Niger, a inquiété : est-ce que l’or est en train d’avoir des répercussions sur la sécurité dans le nord du pays ? La région était jusqu’alors réputée calme en comparaison à la turbulente Libye voisine, au Tchad empêtré dans des querelles meurtrières entre l’armée et des groupes rebelles dans son septentrion, et au Mali en conflit ouvert depuis plus de dix ans. Ce carrefour central du Sahara, route séculaire de commerce et de migration, a été le théâtre d’une multiplication des attaques de bandits ces dernières années. Il ne reste au Sahara guère que la Mauritanie et l’Algérie où les autorités contrôlent leurs frontières ; ailleurs, le désert est une autoroute libertaire sur laquelle l’or circule, rapidement et souvent avec accroc. « Il y a un double problème dans l’or : notre jeunesse qui rêve de richesse se tue au fond des puits pour l’extraire, et quand il est ramené à la surface, les hommes s’entretuent pour le voler », me disait, plusieurs mois avant le début de cette enquête, un élu de Tessit, au Mali, à propos de combats entre des fantassins jihadistes affiliés à l’État islamique et d’autres d’Al-Qaida pour le contrôle des sites d’orpaillage de la zone. Le constat peut s’étendre à l’ensemble du Sahara.
À l’aube du 9 avril, un convoi de prospecteurs d’or a quitté le site d’orpaillage de Tchibarakaten, sur la frontière entre Algérie et Niger, direction Arlit et son centre de traitement, Guidan Daka. Quatre pick-up Land Cruiser et Toyota Hilux des autorités ouvrent et ferment le convoi : deux des forces armées nigériennes, deux de la gendarmerie. Au milieu, une quarantaine de