À Arlit (Niger)
Les balles ont fusé autour des oreilles d’Issouf, et plus d’une fois. Il mime avec ses mains des mouvements rapides à droite et à gauche de sa tête. À chaque fois, c’était en Algérie. À 33 ans, il garde un air enfantin et le sourire facile, qu’il tente de draper de sérieux en réajustant épisodiquement son turban. « Fraudeur » de métier
Cette immense région est une autoroute pour les pick-up Toyota chargés de marchandises aussi diverses qu’illicites. D’aussi loin qu’il se souvienne, Issouf a toujours été sur ces véhicules. D’abord comme apprenti : il a commencé en 1999, à 9 ans, et devait se trouver une place à l’arrière, sur le toit ou sur le marche-pied du véhicule. Il a ensuite été chauffeur d’un véhicule, puis propriétaire du sien. Toujours avec les mêmes marchandises à l’arrière. Puis l’or est venu chambouler cet équilibre précaire. « Avec la chute de Kadhafi en Libye en 2011, j’avais quitté ma région natale d’Arlit pour me concentrer sur les trajets entre le Niger et la Libye. Il y avait énormément de travail entre la migration et les produits d’importation. Mais avec l’or, peu à peu, on s’est détourné de la Libye et on a redécouvert l’Algérie. »
Au Sahara, les pépites ont été trouvées successivement au fil des arrivées de prospecteurs. Jusqu’à l’Algérie, entre 2009 et 2014, aucun État n’avait réussi à y mettre le holà. Le pays, dont la frontière sud avec le Mali est le principal sanctuaire du groupe jihadiste Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) depuis plus de dix ans, a mis une chape de plomb sur ses réserves aurifères pendant des années : pas question de voir débarquer des hordes de chercheurs d’or comme dans les pays alentours.