Sahara, la soif de l’or

Si jeune, et déjà si vieux. Orpailleur soudanais de 26 ans, 1,96 mètre, il doit se baisser pour passer les pas de porte. Toujours calme et jamais sans son long manteau acheté sur un site d’orpaillage tchadien, il a la voix posée de ceux qui en ont beaucoup vu.
Abdou Mohamed a fait toute la route migratoire depuis le Darfour jusqu’à la Mauritanie par le Sahara. Il raconte les affres de la guerre dans le nord du Tchad, l’esclavagisme sur la frontière entre Libye et Niger, la normalité du travail d’orpailleur, au milieu d’un groupe d’orpailleurs moins expérimentés que lui qui l’écoutent religieusement.

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Orpailleur soudanais de 18 ans, surnommé « Okocha » par ses amis pour ses dribbles qui n’ont rien à envier à ceux de la star nigériane du ballon rond Jay-Jay Okocha. Quand il a quitté sa mère Fatima restée à N’Djamena il y a deux ans, il lui a dit qu’il partait jouer au football en Europe.
Il a pris la route « du Sud », en passant par le Nigéria via le Cameroun depuis N’Djamena, découvert l’or dans les sites d’orpaillage de la région nigérienne de Maradi. Adam y rencontre un compatriote qui devient compagnon de désert. Ensuite, ce sont les sites d’orpaillage du nord du Niger d’abord, puis Arlit où il est embauché pour aller à Tinzaouatene, sur la frontière entre Mali et Algérie. Il montre sur son portable des selfies pris avec son compère à l’arrière de pick-up dans le Sahara. Comme beaucoup de jeunes fiévreux, l’aventure le mène jusqu’en Mauritanie, via le Sahara occidental. Devant le Café Soudan à Chami, c’est lui qui engrène les autres orpailleurs en attente de boulot avec un ballon de foot.

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Elles sont les meilleures amies d’un orpailleur saharien. Peuvent coûter cher à la revente sous le manteau si elles indiquent des zones aurifères, ou sauver des vies quand elles sont utilisées pour circuler dans le désert. S’accompagnent en quasi-permanence d’un téléphone satellitaire pour une utilisation optimale hors zone de couverture des opérateurs téléphoniques. Que cela soit dans la ruée vers l’or ou dans la guerre qui oppose les groupes jihadistes de la région aux armées nationales et leurs partenaires, les coordonnées GPS sont la donnée la plus cruciale pour se repérer dans un désert plus grand que l’Europe.

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Issouf, nigérien, est une petite main du commerce saharien au volant de son véhicule. Comme de nombreux jeunes de la région, il a débuté comme apprenti sur un pick-up. Après des années à sillonner le désert pour le compte d’autrui, il conduit aujourd’hui son propre véhicule avec l’assurance de ceux qui connaissent tous les recoins du Sahara. Il transporte de tout à l’arrière de son pick-up : « Tant que vous me payez, je conduis », sourit-il. Et tant pis si les cargaisons ne sont pas tout le temps très licites. En règle générale, c’est du gasoil algérien qu’il ramène pour revente au Niger, mais il transporte aussi des orpailleurs, des biens de consommation, des migrants… et de la drogue ? Pas de réponse.

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Objet long et métallique, souvent de couleur noire, parfois grise, orné d’un bout arrondi parfois surnommé la « poêle ». Créé à la fin du XIX^e siècle par Alexander Graham Bell, également inventeur du téléphone, qui fut appelé en 1881 au chevet du président américain James A. Garfield après que ses chirurgiens n’ont pas réussi à extraire la balle qui l’avait touché lors d’un attentat – il en est mort. Le détecteur de métaux est démocratisé par les belligérants de la Seconde Guerre mondiale pour du déminage, particulièrement par l’armée britannique… en Afrique du Nord, notamment dans le désert libyen où les « fiévreux » cherchent de l’or aujourd’hui. Il devient un outil du quotidien pour les archéologues et les Indiana Jones autoproclamés à la fin du XX^e siècle. Originaire majoritairement d’Australie et des États-Unis, le détecteur de métaux gagne une nouvelle notoriété à chaque nouvelle ruée vers l’or. Celle au Sahara a profondément modifié le marché mondial. Premier prix : 50 euros. Mais ceux du leader à l’international, qu’on retrouve au Sahara, se vendent entre 5 000 et 10 000 euros l’unité.

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Forme semi-finale ou finale de l’or avant qu’il soit exporté vers les plaques tournantes du commerce mondial, en priorité Dubaï. Les lingots sont fondus dans des fonderies artisanales situées sur les sites d’orpaillage, dans les centres de traitement ou dans des recoins des villes aurifères du Sahara, souvent par des forgerons soudanais ou touareg, parfois par les mêmes qui réalisent des bijoux qu’on retrouve sur les marchés européens l’été. Ils font de son porteur une cible privilégiée de bandits et autres jaloux. Dixit un orpailleur tchadien dans le nord du Niger : « Avoir de l’or sur soi dans le désert, c’est le début des emmerdes. »

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Ancien agriculteur du sud de la Mauritanie, la trentaine, il a déjà plusieurs d’années au compteur dans la grande roulette de l’or. Il s’est lancé quand on a commencé à déterrer des pépites du sous-sol du pays. D’abord petite main des puits d’orpaillage, creuseur du fond dans la poussière, Mohamed Salem est devenu au fil des ans autoentrepreneur. Propriétaire de puits en devenir, il est la preuve qu’attendent les aspirants « fiévreux » qu’une ascension sociale est possible dans le monde de l’or. Croisé à Tamaya en train de chercher le bon emplacement pour son puits, il écrit aux auteurs de la série épisodiquement via Whatsapp depuis. Dernier message en date, mi-juillet : il était encore sur le site « Graviers », à Tamaya, avec ses deux puits. Pas encore trouvé d’or de façon conséquente.

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Propriétaire de nombreux puits à travers la Mauritanie, il travaille dans le secteur depuis la découverte de pépites dans le pays, en 2016. A quelquefois voyagé pour vendre son or au Mali et en Espagne (il y a étudié, comme beaucoup de Mauritaniens, et a pris la double nationalité). Il raconte en souriant qu’à ses débuts il a tenté d’aller vendre un lingot directement dans une banque espagnole : bien mal lui en a pris ! Stupeur et surprise pour le guichetier qui ne comprend pas d’où sort cet or non tamponné et sans papiers… et qui finira par l’éconduire.
Toujours bien apprêté, Nagi Chourfa montre les mille coordonnées GPS qu’il a dans son téléphone, signe d’une réussite certaine… mais qui peut aussi être perçu comme de la vantardise. Peu avare en récits d’histoires aurifères, il vient de changer sa photo de profil Whatsapp : il arborait fièrement des lingots (comme beaucoup de courtiers et d’entrepreneurs) ; il leur préfère désormais un cliché de lui avec ses enfants. « La famille est plus importante que de l’or, il faut passer un peu de temps dans le secteur pour sortir de l’aveuglement du “casino halal”. »

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Il est l’un des principaux outils de tout un chacun au Sahara. Démocratisé dans les années 1980 par Toyota, notamment à travers la Toyota War, la guerre des Toyota sur la frontière entre Libye et Tchad, il n’a jamais été détrôné depuis. Il est le véhicule privilégié des commerçants, trafiquants, groupes armés, militaires, ONG… L’entreprise japonaise conserve aujourd’hui un quasi-monopole au Sahara, où les Hilux et Land Cruiser, importés depuis le golfe de Guinée et la Libye, sont les véhicules les plus utilisés. Qu’ils soient neufs, surnommés « zéro compteur » (quand ils sont vendus avec un compteur kilométrique remis à zéro) ou vieux comme le monde, ils peuvent transporter jusqu’à une trentaine d’êtres humains entassés dans la benne arrière, au milieu des indispensables de l’autoroute saharienne : des bidons d’essence et une roue de secours.

Retrouvez tous les épisodes avec Le pick-up.

Ce trentenaire à la barbichette soignée n’a jamais évolué au fond des puits. Néopropriétaire mauritanien de puits d’orpaillage à Tamaya, il se lance enfin dans l’or, après quelques années à tenter une aventure qui n’a pas bien marché dans le commerce. A été longuement conseillé par des amis « fiévreux » qui l’ont finalement convaincu que son futur serait aurifère. Croisé une première fois le jour de l’ouverture sur les sites de Tamaya, puis le lendemain par hasard en train de courir entre les boutiques de matériel de prospection à Chami. Trop pressé pour s’arrêter boire le thé, il consent finalement à montrer aux auteurs de la série l’arrière de son pick-up où s’entasse le nécessaire pour lancer un puits.

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C’est le moyen traditionnellement le plus utilisé depuis le XIX^e siècle pour extraire l’or de la roche. Il est considéré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l’un des dix produits chimiques ou groupes de produits chimiques extrêmement préoccupants pour la santé publique. Importé d’Asie sous le manteau, il arrive au Sahara en bonbonnes, où il est utilisé sans protection puis disséminé dans l’air et les sols. Son utilisation peut être couplée à celle du cyanure.

Retrouvez tous les épisodes avec Le mercure.